Le Canada claque la porte au protocole de Kyoto. Le ministre de l'Environnement, Peter Kent, a confirmé la nouvelle en toute fin de journée, lundi, deux heures à peine après son retour de la conférence sur les changements climatiques de Durban. Une «honte», ont dénoncé en choeur les écologistes et les partis d'opposition.

On savait déjà que le Canada ne prendrait aucun engagement pour la deuxième phase du protocole, qui couvre la période 2013 à 2017. Le gouvernement Harper confirme maintenant qu'il cessera carrément d'adhérer au traité, un geste sans précédent.

Le Canada ne sera jamais capable de respecter les engagements qu'il avait pris à Kyoto sans faire des choix «radicaux» et «irresponsables», selon le ministre Kent. Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de 6% par rapport à 1990, illustre-t-il, il faudrait retirer chaque voiture et camion des routes du pays.

Comme le Canada sera incapable de respecter ses engagements, il serait forcé d'acheter des crédits de carbone qui totalisent 14 milliards en guise de compensation, calcule le ministre. Il préfère donc se retirer de l'entente, et il jette le blâme sur le gouvernement libéral pour avoir signé le traité en 1997.

Le ministre avait mis la table à cette annonce à maintes reprises au cours des dernières semaines, affirmant que le protocole, signé en 1997, représente le «passé» de la lutte aux changements climatiques. Le traité, faisait-il valoir, n'impose aucune limite d'émission aux pays émergents tels que la Chine, l'Inde et le Brésil, pourtant parmi les plus importants pollueurs au monde.

«Le protocole est considéré par plusieurs pays comme un obstacle au progrès dans les négociations sur le climat», soutient le ministre Kent.

Avant de faire la morale aux pays émergents, le Canada doit d'abord respecter ses propres engagements, rétorque le Nouveau Parti démocratique. Le député Alexandre Boulerice estime que la décision dugouvernement Harper est carrément «honteuse».

«Tout cet exercice pour la réduction des gaz à effet de serre est une course contre la montre, a-t-il affirmé. Et M.Kent, vient d'acheter du temps pour les pollueurs du Canada, vient d'acheter du temps pour les grandes compagnies pétrolières des sables bitumineux de l'Ouest.»

La chef du Parti vert, Elizabeth May, ajoute que l'argument selon lequel le Canada doit verser des amendes de 14 milliards pour avoir raté ses cibles d'émissions est carrément fallacieux. Le pays ne s'exposait à aucune pénalité en restant dans le traité, dit-elle, puisqu'il refusait de s'imposer des cibles pour la deuxième phase du traité.

«C'est un grand mensonge», a-t-elle dénoncé, cachant mal son émotion pendant son point de presse.

Les groupes écologistes ont également dénoncé le geste des conservateurs. Selon eux, la réputation du Canada sera à jamais ternie par la décision.

«C'est navrant de constater la mauvaise foi avec laquelle le gouvernement conservateur a participé dans les dernières rencontres internationales sur le climat, visant toujours à faire dérailler une reconduite du protocole de Kyoto», a déploré Steven Guilbeault, d'Équiterre.

Après deux semaines de négociations, les 200 pays réunis à Durban ont convenu ce week-end de lancer une nouvelle ronde de négociations pour adopter une entente devant succéder au protocole de Kyoto d'ici 2015. En attendant son adoption, la plupart des pays industrialisés ont néanmoins accepté de prolonger d'au moins cinq ans l'accord qui devait prendre fin en décembre 2012.

Le Canada est le premier pays à abandonner le navire. Mais le ministre Kent croit que d'autres pourraient lui emboîter le pas.

La Russie et le Japon, par exemple, ont déjà fait savoir qu'ils n'accepteront aucun engagement contraignant dans une seconde phase du protocole de Kyoto.

- Avec la collaboration de Charles Côté