Performantes, les villes québécoises, en matière de recyclage? Il est difficile de voir clair dans l'avalanche des chiffres qui sont avancés: selon les données qu'on utilise, la même municipalité peut passer de première de classe à cancre. Recyc-Québec compte donc mettre les villes au pas en 2012 et leur imposer une façon de comptabiliser leurs déchets.

Les sept quotidiens du groupe Gesca ont demandé à 20 villes québécoises les quantités de matières qu'elles récupèrent et de déchets qu'elles éliminent pour évaluer l'efficacité de leurs pratiques de recyclage. Il s'est toutefois révélé impossible de comparer leurs résultats, car les administrations ont toutes des façons différentes de les compiler.

Certaines incluent les résidus de construction, d'autres les rebuts des entreprises, tandis qu'une partie comptabilise seulement une fraction des matières collectées aux résidences. La Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), qui rassemble 82 villes, exclut ainsi de ses calculs près d'une tonne de déchets sur dix au motif que ces déchets ne peuvent pas être récupérés. La CMM ajoute également une estimation des matériaux de construction récupérés sur le territoire des municipalités ainsi que la quantité de matières récupérées autrement que par le porte-à-porte, comme les bouteilles et les canettes reprises par les dépanneurs.

Ces ajustements attribuent ainsi à Laval un taux de récupération de 28%. Pourtant, quand on demande à la Ville de fournir les quantités de matières récupérées et éliminées, on constate que les Lavallois récupèrent plutôt 21,3% de leurs déchets. Même scénario à Montréal, où le taux de récupération de 24,7% des Montréalais passe à 37% grâce aux calculs de la CMM.

Recyc-Québec avoue ne pas se fier aux données des Villes pour évaluer l'efficacité de la récupération dans la province. «Il faut toujours se méfier quand on fait des comparaisons. Si une municipalité décide de s'attaquer aux déchets des entreprises et de la construction, et qu'elle intègre ça dans ses statistiques, ça peut être trompeur», indique Jeannot Richard, vice-président opération et développement. L'organisme demande plutôt aux lieux d'enfouissement, incinérateurs et centres de tri de lui transmettre les quantités de déchets qu'ils reçoivent.

Mais voilà, cette méthode ne permet pas de savoir quelles villes ont adopté les meilleures pratiques de récupération. Conscient de cet inconvénient, Recyc-Québec compte mettre au point cette année une méthode de calcul et l'imposer aux villes pour établir un palmarès. L'organisme a déjà tenté par le passé d'imposer une formule, mais cette initiative s'est soldée par un échec. «L'important, pour nous, c'est de féliciter les municipalités qui sont bonnes et d'inviter les autres à l'être autant», explique Jeannot Richard.

La vaste majorité des pays comparent d'ailleurs les déchets produits dans les villes pour évaluer l'efficacité de leurs pratiques. Or, les données qu'utilise le Canada ajoutent encore à la confusion: Statistique Canada estime ainsi à 28,6% le taux de récupération dans les villes québécoises, sur la base des données de Recyc-Québec... qui parle plutôt de 36%.

L'organisme québécois admet que même ses données restent imparfaites parce qu'elles sont difficiles à obtenir. «Pour les déchets éliminés, c'est plus facile. Il y a actuellement moins de 100 lieux d'enfouissement. À l'inverse, il y a de 1000 à 1200 lieux où les résidus peuvent être valorisés, alors c'est plus difficile pour les données sur les matières récupérées», expose Jeannot Richard.

Recyc-Québec espère que ce problème sera bientôt réglé grâce à l'adoption prochaine, par le gouvernement, d'un règlement qui forcera les entreprises responsables de la récupération à faire rapport. «À partir du moment où les matières résiduelles seront à déclaration obligatoire, ce sera beaucoup plus facile pour les municipalités d'aller chercher l'information et on sera beaucoup plus à l'aise de véhiculer les données.»