Alors que se déroule le spectacle annuel des écologistes pourchassant les baleiniers dans les mers du Sud, un trio de scientifiques propose de mettre la tête des cétacés à prix... pour mieux les sauver.

Dans un article publié cette semaine dans la revue Nature, ces biologistes américains croient qu'un système de plafonnement et d'échange de permis de chasse à la baleine permettrait de freiner la chasse, voire de la faire cesser.

Mais il faudrait pour cela que les écologistes jouent le jeu, en achetant les permis. Ce qui est loin d'être sûr. «On n'est pas convaincus du tout de cette approche», dit Virginie Lambert-Ferry, responsable de la campagne Océans chez Greenpeace Canada.

Selon le système imaginé par les trois scientifiques, les baleiniers se verraient remettre un certain nombre de permis de chasse. Ils pourraient en vendre à leurs adversaires écologistes et «faire un profit sur les baleines sans même les chasser», affirment les chercheurs.

En 2010, une proposition de quota de prises a été rejetée par les membres de la Commission. Les nations baleinières comme les écologistes s'y opposaient. Mais en rendant les quotas de pêche échangeables, tous pourraient y trouver leur compte, estiment les chercheurs.

Les écologistes dépensent annuellement au moins 25 millions dans leurs campagnes pour sauver les baleines, affirment-ils. Et les profits des baleiniers sont d'à peine 30 millions. On peut donc présumer qu'il y a suffisamment d'argent pour payer ces derniers pour rester à quai.

Il en coûterait 13 000$ pour sauver un petit rorqual ou 85 000$ pour un rorqual commun.

Et que feraient les fameux «scientifiques» du monde entier sans leur ration annuelle d'un millier de baleines? La revue Nature dit «soupçonner qu'ils vont se débrouiller».

L'idée est lancée alors que le mode actuel de gestion de la chasse aux mammifères marins a fait la preuve de son inefficacité.

En dépit du moratoire sur la chasse commerciale mise en place en 1986 par la Commission baleinière internationale, le nombre de baleines tuées chaque année a plus que doublé depuis 20 ans.

Il y a presque 2000 prises par année, dont 1000 pour fins «scientifiques» par le Japon, 600 par des pays qui contestent le moratoire (Islande et Norvège) et 350 dans les régions arctiques, pour la subsistance.

Le système est maintenu en dépit du fait que personne ne croit à la justification scientifique de la chasse japonaise, notamment après une enquête de Greenpeace, qui a montré la corruption qui règne dans le gouvernement japonais.

En 2010, des fonctionnaires japonais ont été réprimandés après avoir été pris en possession de viande de baleine. Mais ce sont les écologistes qui ont été emprisonnés, pour avoir volé la viande dans le but d'en prouver le trafic illégal.

Selon Greenpeace, pour que le système imaginé par les trois biologistes fonctionne, il faudrait faire confiance à la Commission baleinière internationale (CBI) pour le gérer. «Or, toute l'histoire de la CBI montre qu'elle a été incapable d'enrayer le déclin les populations de baleine», dit Mme Lambert-Ferry.

Elle ajoute que les systèmes de quotas gérés par les pays qui exploitent la ressource ne marchent pas, notamment dans le cas du thon, qui continue d'être surexploité.

«Ce qui fera qu'on cessera cette chasse, ce sont des interventions auprès du gouvernement japonais pour mettre fin aux subventions de 10 millions par année à l'industrie baleinière, dit-elle. Mais cette année, le gouvernement japonais a donné 30 millions de plus pour renouveler la flotte, dans le cadre du programme de reconstruction après le séisme.»