Alors qu'on commence à comprendre les effets néfastes sur la santé des composés antiadhésifs ou antitaches qui servent notamment à fabriquer le Téflon, deux nouvelles études permettent de voir à quel point la population y est exposée. Elles démontrent aussi que les enfants y sont plus sensibles.

Ces «composés perfluorés», dont le plus commun est l'acide pentadécafluoro-octanoïque, connu sous l'acronyme anglais PFOA, sont utilisés dans certains emballages alimentaires, les tissus imperméables, les tapis et de nombreux autres produits courants, qui portent des marques comme Téflon, Scotchguard et Gore-Tex.

Les PFOA sont très persistants dans l'environnement et contaminent la chaîne alimentaire sur toute la planète. On a pu constater notamment que leur concentration dans le sang des ours polaires s'accroît de 2,3% par année.

Les enfants plus sensibles

Dans une étude publiée mardi, des chercheurs qui avaient observé le voisinage d'une usine de la société DuPont en Ohio et en Virginie Occidentale ont démontré que, à exposition égale, les enfants absorbent plus de PFOA que leur mère.

«Les enfants semblent concentrer le produit chimique plus que leurs mères jusqu'à l'âge de 12 ans, notent les chercheurs, dans la revue Environmental Health Perspectives. Ceci est probablement dû à l'eau potable ainsi qu'à l'exposition dans l'utérus et par l'allaitement.»

Cette recherche dirigée par les Instituts nationaux de la santé des États-Unis fait suite à une poursuite de résidents de la région contre DuPont, pour contamination de l'eau souterraine. L'usine produit des composés perfluorés depuis 1951. La poursuite s'est réglée à l'amiable en 2005, avec entre autres l'engagement d'étudier l'exposition de la population aux composés perfluorés. Environ 69 000 personnes ont participé à cette étude.

Plus tôt cette semaine, une autre recherche révélait que plus les enfants sont exposés aux PFOA, moins ils répondent aux vaccins contre le tétanos et la diphtérie. Ils sont donc plus vulnérables à ces maladies.

Publiée dans The Journal of the American Medical Association, c'est une des recherches les plus probantes sur les effets de ces produits chimiques sur l'organisme à des niveaux très répandus en Amérique du Nord et en Europe. Ces niveaux sont 100 fois inférieurs aux plus récentes normes européennes, les plus sévères.

Dans le cas de l'étude sur les vaccins, dont La Presse a fait état mercredi, l'exposition aux composés perfluorés était principalement due à l'alimentation. Mais une troisième étude, publiée récemment dans la revue Environmental Science and Technology, montre à quel point il est difficile d'échapper à ces produits. En particulier dans les bureaux.

Exposition par inhalation

Les chercheurs ont analysé l'air dans 30 bureaux répartis dans 7 édifices de la région de Boston. Ils y ont identifié des concentrations variables de composés perfluorés. Ils ont aussi analysé le sérum sanguin de 31 travailleurs et ont observé une corrélation entre le taux de PFOA dans leur sang et le taux de produits perfluorés dans l'air.

Même si cela tombe sous le sens, c'est la première étude à le démontrer. Jusqu'ici, on ne croyait pas que l'exposition par l'air au PFOA était très importante.

Les chercheurs ont noté que les personnes les plus exposées étaient celles qui travaillaient dans les bâtiments les plus récents. «L'inhalation d'air intérieur pourrait représenter une source d'exposition importante, en particulier pour les travailleurs de bureau», concluent les chercheurs.

En raison de la persistance des produits perfluorés dans l'environnement, Santé Canada a lancé une «évaluation préalable» sur ces produits. Le rapport final est attendu ce printemps. Jusqu'ici, souligne Santé Canada, «les études épidémiologiques réalisées chez l'être humain n'ont pas permis d'établir une relation causale entre l'exposition (au PFOA) et des effets néfastes sur la santé».

En 2008, Santé Canada jugeait qu'il y a une marge suffisante entre les concentrations associées à des effets néfastes chez les animaux de laboratoire et celles mesurées dans la population «pour assurer une protection adéquate compte tenu des incertitudes présentes».

«Le gouvernement continue de surveiller les nouveaux renseignements scientifiques sur les PFOA et prendra action davantage si nécessaire», a affirmé hier Santé Canada, en réponse aux questions de La Presse.

- Avec Marie Allard