Aux prises avec un jugement qui annule sa directive sur la protection des milieux humides, le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP), Pierre Arcand, affirme sa «volonté inébranlable [...] de conserver et de gérer de façon durable» ces habitats en voie de disparition dans le sud du Québec.

Lundi, la Cour supérieure a annulé une directive adoptée par les fonctionnaires du Ministère, en déclarant que le MDDEP a agi «illégalement» en exigeant des promoteurs de projet qu'ils compensent en nature la destruction de marais, marécages ou tourbières.

Le ministre Arcand a fait savoir par communiqué que «le jugement fait l'objet d'une analyse afin de déterminer quelles suites y seront données». Il a refusé toute entrevue à ce sujet.

Le jugement accorde quatre mois au MDDEP pour prendre la décision de délivrer un certificat d'autorisation à l'entreprise Atocas de l'Érable, qui désire étendre ses activités de culture de canneberges dans une tourbière.

Le gouvernement a la possibilité de porter sa cause en appel de plein droit, sans autorisation.

«Personne n'est contre le fait que le gouvernement veuille protéger les milieux humides, mais il faut le faire dans le cadre juridique approprié», a déclaré Hélène Lauzon, présidente du Conseil patronal de l'environnement du Québec.

Elle s'est réjouie du fait que le juge souligne les longs délais dans le processus d'obtention d'une autorisation environnementale. «La demande a été déposée en 2008 et en 2011, il n'y avait toujours pas de décision, dit Mme Lauzon. Le juge nous dit que le MDDEP a le droit de demander des détails additionnels, mais ça doit être bien circonscrit. Ils doivent prendre des décisions dans des délais raisonnables.»

«Il y a aussi le caractère kafkaïen du jeu des autorisations provinciales, municipales ou régionales, dit-elle. Les modifications demandées par le MDDEP changent la nature du projet et entraînent des modifications aux permis municipaux.»

Elle estime que le jugement pourrait provoquer d'autres poursuites. «Il y a plusieurs directives qui existent, dit-elle. Une directive n'a aucune force contraignante et, dans ce cas, la façon dont la directive est administrée est arbitraire. Cela va faire en sorte que l'application des autres directives pourrait être réexaminée.»

Par ailleurs, dans un communiqué commun, le Centre québécois du droit de l'environnement (CQDE) et le Conseil régional de l'environnement de Laval ont demandé que le gouvernement cesse de délivrer des certificats d'autorisation, le temps de modifier la loi et d'adopter une réglementation sur la protection des milieux humides.

«Ce jugement ne fait que confirmer ce que tous les juristes disent depuis longtemps: la directive interne du MDDEP sur les milieux humides n'a pas de force légale; ce n'est ni une loi ni un règlement», a indiqué Me Jean-François Girard, président du CQDE.

La décision de lundi tombe bien mal pour le MDDEP. Elle survient quelques jours après la publication du Guide d'analyse des demandes de certificats d'autorisation pour des projets touchant des milieux humides. Ce volumineux document est entièrement basé sur la directive annulée par la Cour supérieure.