Après deux mois de manifestations étudiantes, c'était au tour des groupes écologistes d'inviter les Montréalais à prendre d'assaut les rues du centre-ville, dimanche, dans le cadre du Jour de la Terre. Gaz de schiste, Plan Nord et protocole de Kyoto. Les revendications partaient dans tous les sens, hier, dans les rues de Montréal. Si chaque voix lançait son slogan, un seul message résonnait après l'événement: l'environnement doit devenir une priorité. Et vite.

La courte marche suivie d'un spectacle a réuni plusieurs dizaines de milliers de personnes. Les organisateurs revendiquent 300 000 participants, mais selon deux sources policières, ce chiffre serait exagéré. Environ 150 000 personnes auraient battu le pavé, selon elles.

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Peu importe. Dominic Champagne, qui a mené de front le projet, était fou de joie. «Je suis heureux, je suis très fier, extrêmement comblé. Ça dépasse mes espérances», a-t-il affirmé en entrevue avec La Presse. «On a fait un grand pari et je crois qu'on fait la preuve qu'on est capable de rêver et qu'on a besoin de rêver.»

Après un départ ponctué d'un discours de Fred Pellerin, les marcheurs se sont élancés pour un court trajet d'un kilomètre, jusqu'au mont Royal. Ils y ont formé un gigantesque arbre géant.

Un message adressé aux dirigeants

Si les manifestants ne s'entendaient pas tous sur des revendications précises, leur message était clairement destiné à Jean Charest et à Stephen Harper.

«Il y a beaucoup de désaveux des politiques de M. Charest, d'ailleurs on l'entend dans la foule», a analysé Pauline Marois, présente avec une importante délégation de députés péquistes. «Il y a [aussi] le goût pour les gens de se dire solidaires avec toutes les mesures qui vont permettre le développement durable, de préserver notre Terre.»

Même son de cloche du côté de Dominic Champagne, qui s'est montré dur envers le gouvernement de M. Charest.

«Ils sont où les libéraux protecteurs de l'intérêt public? Ils sont où les libéraux au Parti libéral, les Jean Lesage, les René Lévesque, les Paul Gérin-Lajoie, les George-Émile Lapalme?» a demandé à haute voix le metteur en scène dans son discours. Pour Daniel Paillé, chef du Bloc québécois, c'est aussi à Ottawa que les manifestants ont envoyé un message

«Je suis fier de voir que les gens du Québec sont capables de dire: "C'est à nous la Terre et il faut en prendre soin, parce que c'est elle qui prend soin de nous"», a-t-il affirmé, ajoutant que les décisions d'Ottawa en matière environnementale étaient déplorables. «M. Harper, il fait son pays à sa manière.»

Contexte particulier

La manifestation d'hier a eu lieu dans un climat particulier, alors qu'une émeute a éclaté vendredi au centre-ville de Montréal et que la crise étudiante semble chaque jour prendre de l'ampleur. La veille, le Service de police de la ville de Montréal (SPVM) avait effectué une arrestation de masse, coffrant 89 personnes prises au piège dans un cul-de-sac.

Les personnalités présentes au départ étaient toutefois persuadées de voir la manifestation se dérouler sans problème.

«Je pense que les casseurs se feraient exterminer aujourd'hui, même par les manifestants», a lancé l'animateur Guy A. Lepage, sourire en coin. «Je n'endurerai pas ça une seconde en tout cas.»

En fin de journée, le SPVM confirmait que l'événement s'était déroulé sans aucune anicroche et qu'aucune arrestation n'était à déplorer.

L'arbre géant de champagne

Juste au bas du mont Royal, la foule des manifestants a été placée par des bénévoles afin de former un arbre géant dans l'avenue du Parc et ses abords.

«C'est Dominic Champagne qui a pensé à ça», a expliqué à La Presse Marilyse Paquin, responsable des communications pour la journée.

L'objectif concret: créer la plus importante silhouette d'arbre composée d'humains à avoir été photographiée sur la planète. Mais le but du coup d'éclat est plus global, a indiqué Mme Paquin.

«Ce n'est pas tant le record Guiness que le message qu'on va envoyer aux gouvernements» qui importe, a-t-elle affirmé. «C'est vraiment pour se dire: regardez combien de personnes on peut mobiliser quand on veut.»