Le Québec ne pourra pas réaliser sur son territoire toutes les réductions d'émission de gaz à effet de serre souhaitées dans son nouveau plan. Les entreprises québécoises devront acheter des droits d'émission en Californie et ailleurs, affirment deux experts consultés par La Presse.

Le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Pierre Arcand, a confirmé jeudi que le Québec se dotera d'un programme d'échange de droits d'émission de gaz à effet de serre (GES). Il a aussi confirmé de nouveau l'objectif de réduire la pollution climatique du Québec de 20% par rapport à 1990 d'ici à 2020.

Cet objectif ambitieux sera difficile à atteindre au Québec dont l'économie rejette déjà très peu de GES, affirment les experts.

Le marché du carbone

Ce programme devrait donner naissance à un marché du carbone. Québec souhaite adhérer à un marché continental appelé la Western Climate Initiative (WCI). Pour l'instant, seule la Californie en fait partie.

«Ma peur, c'est qu'on va être obligés d'acheter des droits d'émission aux Californiens parce que c'est eux qui vont pouvoir les vendre le moins cher», affirme Claude Villeneuve, directeur de la chaire d'écoconseil à l'Université du Québec à Chicoutimi et grand spécialiste du climat.

Il explique que le système de production électrique de la Californie se compose surtout de centrales thermiques et qu'il relâche beaucoup de gaz carbonique (CO2) dans l'atmosphère. Il y a donc des gains importants à y faire sur une grande échelle, ce qui n'est pas le cas au Québec, où l'électricité est déjà «propre».

«En Californie, ils émettent 400 grammes de CO2 par kilowatt et ici, c'est 2 grammes, dit-il. Chaque fois qu'ils installent une éolienne, ils gagnent en efficacité. Mais pas ici. Ça veut dire que le marché californien va générer des crédits plus facilement.»

Même son de cloche de la part de Jean Nolet, économiste et président d'ÉcoRessources Carbone. «L'objectif du Québec est très ambitieux, dit-il. Effectivement, j'ai l'impression que ça va être difficile d'aller chercher toutes les réductions au Québec.»

Ces derniers mois, les permis échangeables de la Californie ont été négociés à environ 16$ US la tonne. Pour avoir du succès, les projets québécois de réduction de gaz à effet de serre devront se faire à moindre coût, ce qui est loin d'être évident, selon M. Villeneuve. «Chez nous, le secteur industriel a déjà fait de gros efforts, dit-il. Les pâtes et papiers ont abandonné le mazout lourd. Les alumineries ont réduit leurs émissions de 21% tout en doublant la production. C'est dans les transports que les gains sont possibles au Québec et là, les solutions ne sont pas simples. Ça dépend des politiques d'aménagement du territoire et du transport.»

La foresterie est un domaine où, à première vue, le Québec pourrait tirer son épingle du jeu. On pourrait croire que des plantations qui absorbent le CO2 dans l'atmosphère pourraient être une façon pour le Québec d'émettre lui aussi des crédits.

Un projet bien ficelé

Mais les règles de la WCI ne sont pas favorables à la forêt québécoise, affirme M. Villeneuve. Il explique qu'elles sont conçues pour les forêts du sud et de la côte ouest des États-Unis, où les arbres poussent plus vite. «S'il y a une contribution du secteur forestier, elle sera très, très faible», dit-il.

Cela ne veut pas dire que le projet québécois est mal conçu pour autant, dit M. Nolet. «Je pense que c'est bien ficelé, dit-il. Le marché permet plus de souplesse. L'objectif de réduction sera atteint au moindre coût.»

Hier, l'Agence de réglementation atmosphérique de la Californie s'est réjouie de l'annonce du programme québécois, affirmant que c'était «un autre pas vers l'établissement d'un programme climatique complet sous la WCI». «La Californie espère s'allier au Québec pour s'attaquer au danger croissant des changements climatiques», affirme-t-on par communiqué.