«La logique de l'entreprise est orientée vers le profit or l'efficacité énergétique est l'une des activités les plus rentables qui soient»: l'expert américain Amory Lovins, voix forte et originale du monde de l'énergie, est convaincu que son combat de 30 ans est à un tournant décisif.

«La révolution de l'efficacité énergétique que nous avons brièvement entrevue dans les années 70 et 80 arrive aujourd'hui en pleine puissance», affirme, avec un enthousiasme communicatif, ce physicien de 61 ans, de passage à Paris.

Président et directeur scientifique du Rocky Mountain Institute, à Snowmass dans le Colorado, un «think-and-do tank» indépendant qu'il a co-fondé au début des années 80, Lovins a rejoint en 2009 la liste des 100 personnalités les plus influentes du monde dressée par le magazine Time.

Intarissable sur «les progrès technologiques qui vont plus vite que l'utilisation que nous en faisons», cet homme au regard malicieux a une activité de conseil foisonnante, qui va de l'isolation thermique de la maison de Bill Clinton à la réduction de consommation des camions Wal-Mart, numéro un mondial de la distribution.

Inventeur du concept de «Négawatt», qui traduit l'énergie qui n'est pas consommée grâce à une plus grande efficacité énergétique, Lovins a un credo: peu importent les motivations qui poussent à faire des économies d'énergie -- compétitivité, sécurité, environnement, climat -- «seuls les résultats comptent».

Entre 1990 et 2006, l'efficacité énergétique, mesurée par la quantité d'énergie consommée pour chaque point de Produit intérieur brut, a progressé de 1,6% par an en moyenne dans le monde, selon le Conseil mondial de l'énergie.

Face aux enjeux, notamment climatiques, ces progrès ne sont-ils pas trop lents ?

«Tous les groupes intelligents s'y mettent !», répond Lovins, affichant une foi inébranlable dans les forces de marché qui désarçonne certains militants écologistes.

Interrogé sur les négociations internationales sur le climat, qui visent à trouver, en décembre à Copenhague, un accord sur les émissions de gaz à effet de serre, il rétorque: «Je n'y accorde pas beaucoup d'attention car le secteur privé est généralement très en avance par rapport aux gouvernements».

Prônant des changements de logique profonds, comme celle de la dépendance vis-à-vis du pétrole, dont il estime que l'économie américaine pourrait se passer d'ici 2050 grâce en particulier aux énergies renouvelables, il refuse d'entrer dans le jeu des pronostics sur le prix de l'or noir.

«Il continuera à fluctuer comme il l'a toujours fait. La seule démarche raisonnable par rapport à cela est d'y être indifférent: une bonne façon d'y parvenir est de ne plus en consommer».

Encouragé par les premiers mois de la présidence de Barack Obama, Lovins est plein d'espoirs pour la suite : «Il y a aujourd'hui, à la tête du ministère américain de l'Energie (dirigé par Steven Chu, Prix Nobel de Physique), le groupe d'experts le plus doué que j'aie jamais vu dans aucun gouvernement».

Extrêmement critique envers le programme nucléaire français -- «un îlot de politique hermétique dans une mer de réalité de marché» -- il applaudit sans réserve la création du bonus-malus écologique pour l'automobile.

«C'est quelque chose que plusieurs d'entre nous avons proposé dans les années 70 aux Etats-Unis, et aujourd'hui nous avons l'exemple français. Merci!»