Environnement Canada a trouvé des «taux détectables» d'un pesticide illégal, la cyperméthrine, sur des saumons d'élevage recueillis dans des fermes marines appartenant à deux firmes d'aquaculture du Nouveau-Brunswick.

La cyperméthrine est nocive pour le homard et les autres crustacés.

Selon Robert Robichaud, gestionnaire de l'exploitation à la direction de l'application de la loi en environnement dans la région, deux enquêtes ont été ouvertes dans ce dossier. Si des accusations étaient déposées, les sociétés risquent des amendes pouvant atteindre 1 million.

Dans l'intervalle, les deux firmes, Northern Harvest Seafarms et Ocean Legacy, ont reçu des «directives de l'inspecteur», lesquelles «requièrent de la personne de prendre toutes les mesures raisonnables pour prévenir toute immersion de substance nocive dans l'océan», explique M. Robichaud.

Aucune des deux firmes n'a rappelé La Presse.

Dans un communiqué, Northern Harvest Sea Farms a affirmé qu'elle n'avait pas utilisé de cyperméthrine et que ses propres analyses, confiées à un laboratoire indépendant, n'ont pas détecté la substance.

Environnement Canada mène deux autres enquêtes actuellement, à la suite de la mort de centaines de homards l'automne dernier, à Grand Manan et à Deer Island.

En outre, des saumons d'élevage ont été prélevés pour analyse après un autre épisode de morts de homards, en septembre de cette année, cette fois à l'île de Campobello.

Aucune enquête ne vise la plus importante société du secteur, Cooke Aquaculture, même si deux de ses fermes étaient près du lieu où les homards sont morts à Deer Island l'an dernier, ce qui a soulevé des soupçons chez les pêcheurs de homards.

«Nous n'approuvons ni n'encourageons l'emploi de pesticides illégaux», dit Nell Halse, porte-parole de Cooke Aquaculture, en ajoutant que si une entreprise du secteur était reconnue coupable, ce serait «terrible».

Mais du même souffle, Mme Halse estime que les autorités sont trop lentes à approuver de nouvelles substances et méthodes permettant de lutter contre les parasites du saumon.

Un traitement contre le pou de mer appelé Salmosan vient d'être approuvé, dit-elle, mais il était trop tard pour cette année. Elle dit que les autorisations officielles ont aussi tardé pour l'utilisation d'un bateau spécial affrété en Norvège, qui permet de traiter les saumons avec du peroxyde d'hydrogène, relativement bénin.

Des biologistes marins s'inquiètent de la dépendance de l'industrie aux pesticides. «Il me semble qu'ils se fient beaucoup aux produits chimiques pour combattre le pou de mer, dont les ravages étaient prévisibles étant donné la densité de poissons dans les cages d'élevage», dit Peter Wells, professeur à l'Université Dalhousie et ancien directeur de la recherche scientifique sur les écosystèmes marins à Environnement Canada.

D'autres spécialistes pensent qu'il est possible d'utiliser les pesticides de façon responsable. «Il manque à l'aquaculture un arsenal complet qui permettrait d'employer le bon produit au bon moment, tout en réduisant globalement les quantités utilisées, dit John Burka, pharmacologue à l'Atlantic Veterinary College, de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard. C'est ce qu'ils font en Norvège. Si vous vous fiez à un seul produit, c'est sûr que le parasite va créer une résistance.»

L'ingrédient de l'insecticide Raid dans l'eau

La cyperméthrine est l'ingrédient actif dans l'insecticide Raid. Il agit sur le système nerveux des insectes et crustacés. Son usage est interdit en milieu marin au Canada, mais autorisé aux États-Unis dans une formulation spécifique pour l'aquaculture de saumon.

Au Canada, il est permis en agriculture terrestre. Le produit est très efficace contre le pou de mer, crustacé qui est le principal parasite du saumon. Il peut l'exterminer à des concentrations de 15 parties par milliard. C'est l'équivalent de quelques gouttes dans une piscine olympique. Mais même à 5 parties par milliard, 75% des poux sont tués, selon un manuel de l'industrie.

La cyperméthrine est aussi mortelle pour le homard, mais à des doses plus élevées. «C'est en fonction de la surface du corps, dit John Burka, pharmacologue à l'Atlantic Veterinary College, de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard. Comme le homard est beaucoup plus grand que le pou de mer, il faut augmenter la dose d'autant. Je dirais qu'il faudrait une dose assez forte pour tuer des homards.»

Selon l'Agence canadienne d'inspection des aliments, les personnes qui ont mangé du saumon d'aquaculture ou du homard n'ont pas couru de risque. «La consommation de saumon ou de homard provenant du sud-ouest du Nouveau-Brunswick ne pose pas de risques. L'Agence recommande aux consommateurs d'acheter leurs produits de la mer auprès de fournisseurs réputés seulement.»