Le retrait du Canada du protocole de Kyoto a fait mal à une entreprise de Boisbriand. Un client britannique a annulé sa commande en se disant «dégoûté» par la décision du gouvernement Harper.

ThinkGlass a été fondée en 1999. Elle vend ses luxueux produits de verre architectural partout dans le monde. «Il y a six semaines, j'ai reçu un appel de l'entreprise The Glass Factory, en Angleterre, qui était intéressée notre produit pour une boîte de nuit, raconte Bertrand Charest, copropriétaire de ThinkGlass. On avait eu trois ou quatre conversations du point de vue technique. Sans avoir rien signé, c'était bien entamé, selon mon expérience.»

«Puis, on a reçu un courriel qui annulait tout à cause de la décision du Canada de se retirer du protocole de Kyoto», poursuit M. Charest.

Joint par La Presse à Birmingham, en Angleterre, Ian Jenkins, propriétaire de The Glass Factory, confirme cette décision.

«Je me sens mal pour ThinkGlass, dit M. Jenkins. Ils sont très gentils. Mais ma conscience m'interdit de faire affaire avec le Canada s'il veut polluer la planète au détriment du reste du monde.»

M. Jenkins s'est dit «dégoûté» par le retrait du Canada du protocole de Kyoto, annoncé la semaine dernière par le ministre fédéral de l'Environnement Peter Kent.

À la Chambre des communes, le premier ministre Stephen Harper a qualifié de «stupides» les engagements pris par le Canada en 1997 afin de lutter contre les changements climatiques.

La nouvelle a été couverte par les médias partout dans le monde.

«J'ai lu la semaine dernière que le Canada était le premier pays à se retirer du protocole de Kyoto, parce que ça causait des problèmes à des entreprises canadiennes, relate M. Jenkins. Eh bien, on a tous des problèmes ces jours-ci, mais le développement durable continue d'être important pour tout le monde.»

«Je suis venu au Canada trois fois et j'aime beaucoup l'endroit, dit-il. Mais je suis si dégoûté par l'approche du gouvernement au sujet de l'environnement que je ne peux pas m'imaginer acheter un produit canadien.»

Déception

Le rejet de ce client britannique est décevant pour ThinkGlass et ses 30 employés. La société perd un potentiel distributeur en Angleterre, un marché qu'elle essaie de percer. M. Jenkins confirme que cette première commande aurait pu être suivie de plusieurs autres, compte tenu de la qualité du produit.

M. Charest aurait pu passer tout cela sous silence, mais il a préféré en parler, parce qu'il estime que c'est là une répercussion concrète, peut-être une parmi plusieurs autres, de la décision canadienne.

«Je n'ai jamais pensé que ça pourrait m'arriver, le boycottage de mon entreprise à cause de Kyoto, dit-il. C'est un petit bâton dans les roues dont on n'a pas besoin ces temps-ci.»

Il affirme que son entreprise subit ces conséquences de la nouvelle réputation du Canada à l'étranger, alors qu'elle fait de gros efforts pour protéger l'environnement. «On vient d'acheter une unité pour recycler notre eau, dit-il. Elle a coûté 50 000$ alors qu'on n'était pas obligé de l'installer.»

Corinne Gendron, titulaire de la chaire de responsabilité sociale et de développement durable à l'UQAM, estime «dommage» que l'entreprise québécoise serve de «bouc émissaire» pour les politiques canadiennes.

«Mais à plus grande échelle, dit-elle, le gouvernement freine la recherche et le développement en n'imposant pas de règles plus strictes sur le plan environnemental. On est en train de prendre un retard considérable en matière de technologies vertes, en nouveaux matériaux. C'est très grave sur le plan économique.»