Difficile de savoir si on y gagnera au change, mais le réchauffement climatique va retarder - peut-être indéfiniment - la prochaine glaciation, affirment des scientifiques dans une recherche publiée hier.

Une équipe internationale de climatologues a en effet conclu que le gaz carbonique envoyé par les humains dans l'atmosphère empêchera une nouvelle glaciation, alors que, normalement, elle devrait commencer d'ici 1500 ans.

Mais ce n'est pas nécessairement une bonne nouvelle, affirme l'un des chercheurs, Luke Skinner, de l'Université de Cambridge. «Si nous sommes en train d'essayer d'éviter une ère glaciaire, nous essayons trop fort», a-t-il dit en entrevue à la BBC.

Selon Lawrence Mysak, professeur émérite de météorologie à l'Université McGill, cette recherche s'ajoute à d'autres qui montrent qu'il n'y aura plus de glaciation du tout. «Ce qui est probable, c'est la fin des glaciations en général, dit-il en entrevue à La Presse. Au cours des 500 000 prochaines années, il n'y aura pas de calotte glaciaire sur l'Amérique du Nord et le nord de l'Europe.»

«Cela signifie aussi probablement la fonte de la calotte glaciaire du Groenland d'ici quelques centaines ou quelques milliers d'années, ajoute-t-il, ce qui ferait augmenter de sept mètres le niveau des océans.»

Depuis plus de 2 milliards d'années, la Terre est frappée périodiquement par des ères glaciaires. Pendant celles-ci, des montagnes de glace se forment et s'étendent vers l'Équateur, ce qu'on appelle une glaciation. Puis, les glaciers reculent temporairement pendant ce qu'on appelle une période interglaciaire.

Il peut y avoir plusieurs glaciations et périodes interglaciaires au cours d'une ère glaciaire. Nous vivons actuellement une période interglaciaire qui dure depuis 11 000 ans et nous sommes au sein de la cinquième ère glaciaire, qui a commencé il y a 2,5 millions d'années.

Les causes des ères glaciaires et des glaciations sont encore débattues. Mais au moins deux facteurs entrent en ligne de compte: des changements de l'orbite de la Terre autour du Soleil, qui changent l'ensoleillement, et le taux de gaz à effet de serre (GES) dans l'atmosphère.

Les 800 000 dernières années sont mieux connues à cause des carottes de glace recueillies en Antarctique qui ont permis d'obtenir des échantillons d'atmosphère du passé, dans des bulles emprisonnées dans la glace.

La nouvelle recherche publiée hier dans la revue Nature Geophysics compare une période interglaciaire survenue il y a 780 000 ans avec la période actuelle, parce qu'elles sont similaires en ce qui concerne l'ensoleillement.

Conclusion des chercheurs: si le taux de gaz carbonique (CO2) se situait à un taux «normal» de 240 parties par millions (ppm), une glaciation serait sur le point de se déclencher. Mais ce taux est actuellement de 390 ppm.

Ce n'est pas la première fois que les climatologues se penchent sur la question.

Il y a quelques années, le chercheur William Ruddiman avait même postulé que l'être humain a influencé le climat planétaire bien avant l'ère industrielle, avec l'avènement de l'agriculture.

La recherche publiée hier confirme en partie les postulats de M. Ruddiman. «Cet impact subtil aurait pu à lui seul être suffisant pour empêcher le déclenchement d'une glaciation», dit M. Skinner.

La recherche confirme à quel point l'humanité a pris le contrôle du climat planétaire, selon plusieurs chercheurs qui ont réagi à la nouvelle, notamment sur le blogue Dot Earth du New York Times. «Notre CO2 a un impact important sur le climat et cet impact va durer longtemps», affirme Richard Alley, de l'Université de l'État de la Pennsylvanie.

«C'est pourquoi il faudrait renommer l'ère géologique actuelle et l'appeler anthropocène, ou l'ère de l'homme», affirme de son côté M. Mysak.

Certains notent toutefois que le manque de connaissances sur les ères glaciaires du passé limite l'utilité de cette recherche pour prédire l'avenir.

Mais en l'absence de toute mesure contraignante sur les émissions de gaz à effet de serre, les scientifiques prédisent que le réchauffement dépassera les 2 °C d'ici à 2100 et atteindra peut-être les 4 °C, avec des conséquences jugées catastrophiques.

«Ce que montre notre recherche, c'est que le système climatique est très sensible aux petits changements dans le taux de CO2 dans l'atmosphère, sans parler des énormes changements dont nous sommes responsables depuis 200 ans», dit M. Skinner.