Vendeur de congélateur en Alaska, un métier d'avenir? Depuis des milliers d'années, les autochtones de l'Arctique dépendent des congélateurs naturels qu'ils aménagent dans le sol gelé en permanence.

Mais ces glacières sont de moins en moins fiables, selon les recherches présentées au congrès international sur les mondes polaires, à Montréal.

Le dégel du pergélisol - permafrost en anglais - ne fait pas que mettre en péril l'alimentation traditionnelle des peuples du Grand Nord. Il complique aussi les projets énergétiques et miniers dans toute la région. En dégelant, le sol gorgé d'eau se liquéfie et peut emporter avec lui routes, pipelines et bâtiments.

«En Alaska, on ne trouve plus de pergélisol plus froid que -10 degrés, dit Vladimir Romanovsky, chercheur à l'Université d'Alaska à Fairbanks. Il y a des lacs qui se drainent soudainement quand le sol dégèle autour.»

En Russie, on observe la fonte du pergélisol dans plusieurs régions, ajoute-t-il. «C'est une préoccupation énorme pour les infrastructures pétrolières et gazières qui alimentent l'Europe», précise M. Romanovsky. Des centaines de kilomètres de pipelines existants et futurs seront en effet au-dessus de pergélisols en état de fonte d'ici 40 ou 50 ans.

Des scientifiques en émoi

Même dans cette salle bondée de scientifiques très bien informés, les photos de la présentation de M. Romanovsky suscitent l'émoi. L'une de ces photos montre une immense brèche d'un kilomètre de largeur là où la terre a pratiquement fondu. Une autre montre un pipeline tordu par le sol qui s'est dérobé sous lui.

Ces problèmes vont hanter les mégaprojets énergétiques et miniers de l'Arctique canadien et du Plan Nord québécois.

Sharon Smith, du ministère canadien des Ressources naturelles, étudie le pergélisol dans la vallée du Mackenzie. C'est par cette vallée que le gaz ou le pétrole de l'Arctique canadien devra passer. «Nous devons savoir comment le pergélisol est réparti et comment il est en train de changer avant de prendre des décisions au sujet des infrastructures, dit Mme Smith. Cela se réchauffe constamment depuis 1984.»

Les modèles climatiques prévoient la disparition quasi complète du pergélisol au Québec au cours du prochain siècle. Michel Allard, de l'Université Laval, estime que cela aura un impact sur les projets miniers du Plan Nord. «Les infrastructures de transport sont sensibles, dit-il. Les routes, chemins de fer, pistes d'atterrissage devront être planifiés en fonction des types de sol.»

Il ajoute que les parcs de résidus miniers seront à risque. En effet, tout comme les lacs en Alaska qui disparaissent comme un évier qui se vide, les bassins de rétention miniers pourraient aussi réserver des surprises. «Quand le sol dégèle, ça ouvre des nouveaux chemins pour l'eau», explique-t-il.

Un don d'un million par an pour la recherche

La recherche arctique a maintenant son Star Académie. Un couple de riches immigrants, Sima Sharifi et Arnold Witzig, a lancé le prix Inspiration Arctique.

Chaque année, un million de dollars seront distribués à des projets mettant en pratique sur le terrain les données scientifiques au sujet des changements climatiques et de leur impact sur les populations vivant dans le Grand Nord canadien.

Un comité de cinq personnes, dont Martin Fortier, directeur du réseau de recherche ArcticNet, sélectionnera les projets. M. Fortier espère recevoir des projets qui sortent des circuits habituels. «Il y a déjà des millions pour la recherche, mais les règles font qu'ils sont alloués pour l'essentiel à des universitaires», dit-il.