Deux autres ex-conseillers politiques du gouvernement Charest prépareront l'offensive de communication de l'industrie du gaz de schiste. Cette opération charme coïncidera avec le dépôt, à Québec, d'un «document d'orientation» favorable à cette filière énergétique.

Hier, La Presse a révélé que l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) vient d'embaucher un nouveau directeur général proche du pouvoir, Stéphane Gosselin. Jusqu'à vendredi dernier, il était chef de cabinet du ministre du Développement économique, Clément Gignac. Il a occupé les mêmes fonctions aux Ressources naturelles et à l'Environnement.

Stéphane Gosselin doit mettre en oeuvre la campagne d'information annoncée lundi par le président de l'APGQ, André Caillé, ancien patron d'Hydro-Québec. L'APGQ a également fait appel au cabinet de relations publiques National pour concevoir sa campagne. Deux conseillers de National, Martin Daraiche et Lisa Lavoie, proches du gouvernement, travaillent ou travailleront activement dans le dossier du gaz de schiste. National et l'APGQ ont confirmé l'information.

Martin Daraiche, conseiller principal aux relations gouvernementales, a été attaché politique de Nathalie Normandeau en 2006, à l'époque où elle était titulaire des Affaires municipales. En 2007, il est passé au bureau du premier ministre Jean Charest à titre de conseiller aux affaires juridiques et politiques. National l'a embauché l'année suivante. Selon le registre des lobbyistes, M. Daraiche exerce des activités d'influence auprès du gouvernement pour l'APGQ «dans le but que le Québec soit reconnu comme une juridiction capable d'accueillir une industrie structurante en matière de shales gazéifères». Son mandat a débuté en mai dernier, précise le registre.

Lisa Lavoie est conseillère aux relations publiques à National depuis le 23 août. Elle était jusqu'à tout récemment directrice adjointe du cabinet de Line Beauchamp, ministre de l'Environnement au cours des trois dernières années, passée à l'Éducation à la suite du remaniement du 11 août dernier.

Pas de liens, dit Normandeau

Nathalie Normandeau nie que le gouvernement et l'industrie du gaz de schiste entretiennent des liens étroits, même si d'ex-conseillers libéraux représentent les intérêts de l'APGQ. «La preuve, dit-elle, c'est que je travaille avec l'ensemble des partenaires. On a créé trois comités de liaison», l'un avec l'industrie, l'un avec les groupes environnementalistes et l'autre avec l'UPA et les élus municipaux.

Quant aux trois ex-conseillers libéraux concernés, «ils ont le droit de gagner leur vie» et respectent les lois en vigueur, a affirmé Nathalie Normandeau. «Je travaille avec tout le monde, peu importe leur allégeance, a-t-elle ajouté. Ma job est d'être au-dessus de tout esprit partisan pour nous assurer que cette industrie puisse voir le jour au Québec et, plus précisément, qu'un projet de loi soit présenté à la session du printemps 2011.»

Dimanche, Québec a donné au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) le mandat de se pencher sur l'exploitation du gaz de schiste, étape préalable à un projet de loi. Le lendemain, l'APGQ a annoncé sa campagne d'information. Elle tiendra des consultations dans trois municipalités à compter du 14 septembre. Tout juste avant le début de ces consultations de l'industrie, Mme Normandeau déposera un «document d'orientation» sur le gaz de schiste.

Québec et l'industrie ne travaillent pas de concert pour convaincre la population d'appuyer l'exploitation de cette filière énergétique, affirme la ministre. «Moi, je n'ai pas de temps à perdre à gérer l'ordre du jour de l'association. Il n'y a rien d'insolite ni d'incompatible entre le fait que l'association mène sa propre campagne et le travail qui va se déployer avec le BAPE du côté du gouvernement.

«Les dés ne sont pas pipés, a-t-elle ajouté. S'ils l'étaient, il n'y aurait pas eu de BAPE. On veut avoir un regard objectif dans ce débat sur la façon d'encadrer cette industrie, qu'on souhaite voir naître à une échelle de commercialisation.»

«Proximité inquiétante»

Mais le leader parlementaire du Parti québécois, Stéphane Bédard, estime que l'embauche de Stéphane Gosselin par l'APGQ est la preuve d'une «proximité inquiétante entre le Parti libéral du Québec et des intérêts particuliers».

Il juge les explications fournies par l'ex-chef de cabinet «invraisemblables» et demande au commissaire au lobbyisme de reconsidérer son avis sur cette nomination - ce qu'a refusé ce dernier.

«Il est inconcevable que quelqu'un qui oeuvre au développement économique, au Québec, n'ait pas eu de rapports directs avec l'industrie (du gaz de schiste), a déclaré M. Bérard hier matin, en marge du caucus de son parti à Salaberry-de-Valleyfield. Si on laisse des gens comme ça être à la solde d'une industrie alors que, quelques jours avant, ils prenaient et recommandaient des décisions... pour les Québécois, c'est très inquiétant pour la suite des choses.»

Avec la collaboration de Karim Benessaieh