Adopter un moratoire sur l'exploitation des gaz de schiste comme le demande Pauline Marois serait «excessivement complexe», estime son prédécesseur à la tête du PQ, André Boisclair. Et du reste, «ce n'est pas en appliquant les freins qu'on va régler les questions de fond».

Au cours d'un entretien avec La Presse, hier, l'ancien ministre de l'Environnement a affirmé que réclamer un moratoire est «une idée un peu facile». «Je peux comprendre Mme Marois de faire ce choix-là», car «c'est une idée populaire», «qui peut susciter de l'enthousiasme». Mais dans les faits, imposer un moratoire serait «excessivement complexe», a expliqué le chef péquiste de 2005 à 2007.

Une telle mesure n'empêcherait pas les 16 compagnies gazières ayant déjà obtenu des permis du gouvernement de faire des forages. À moins de leur retirer les droits d'exploration, «ce qui coûterait cher en compensations», a souligné M. Boisclair. Alors «le moratoire ne règlerait pas demain matin les problèmes qui sont vécus par des citoyens» actuellement, dans des régions où des activités de forage sont en cours.

«Ça peut être très sympathique comme idée», le moratoire, «ça se défend bien sur la place publique (...) mais c'est quelque chose de très compliqué», a-t-il affirmé.

Selon lui, «des gens se réfugient derrière l'idée du moratoire pour éviter de faire un débat de fond» sur l'exploitation des gaz de schiste. Ce n'est toutefois pas le cas de Pauline Marois, a-t-il noté, évitant d'affirmer directement que la chef péquiste a commis une erreur avec sa récente prise de position.

Moratoire sur l'implantation de nouvelles porcheries

À l'époque où il était ministre de l'Environnement, André Boisclair avait imposé un moratoire sur l'implantation de nouvelles porcheries. La loi avait été adoptée le 5 juin, mais son application était rétroactive au 1er mai, ce qui avait soulevé une certaine controverse. Dès le 26 avril, la haute direction du ministère avait même demandé à ses bureaux régionaux d'appliquer le moratoire, un geste qui fut condamné par le Protecteur du citoyen. «On avait retiré des droits, et cela avait coûté excessivement cher», se souvient André Boisclair. De plus, malgré le moratoire, des porcheries avaient vu le jour et d'autres s'étaient agrandies, puisque leurs propriétaires avaient obtenu des permis avant la fin avril.

André Boisclair se dit «tout à fait favorable, comme Pauline Marois, au développement de l'industrie du gaz de schiste, le tout dans le respect des droits des citoyens et des municipalités». «Le Québec doit contribuer au développement de cette industrie. C'est dans son intérêt, profitable pour le Québec», a-t-il ajouté. Il appuie la tenue des audiences du BAPE, sous réserve du mandat défini par le gouvernement - celui-ci n'était pas connu au moment de l'entrevue.

En plus d'être consultant pour la firme de génie-conseil Dessau, André Boisclair est porte-parole d'Expo Énergie, un événement qui se tiendra dans le cadre du Congrès mondial de l'énergie à la mi-septembre, à Montréal.