Le gaz de schiste extrait du gisement québécois est comparativement moins néfaste pour le climat que d'autres sources d'énergie, selon l'ingénieur canadien Donald O'Connor.

M. O'Connor travaille depuis 10 ans pour le compte de Ressources naturelles Canada afin de calculer les émissions de gaz à effet de serre (GES) des différentes filières énergétiques.

En outre, affirme M. O'Connor, seule une erreur de calcul permet de conclure que le gaz de schiste en général est aussi néfaste pour le climat que le pétrole ou même le charbon, comme l'affirme dans une étude préliminaire Bob Howarth, professeur à l'Université Cornell, dans l'État de New York.

C'est à la demande de La Presse que M. O'Connor a pris connaissance de l'étude du professeur Howarth. Et de son côté, M. Howarth a fait de même avec le rapport de M. O'Connell.

Leurs opinions divergent sur plusieurs points, mais principalement sur l'impact des fuites de gaz naturel sur le climat mondial.

Au printemps dernier, à la demande du gouvernement fédéral, M. O'Connor a calculé les émissions de GES du gaz de schiste. Son étude conclut qu'elles sont comparables à celles du gaz dit naturel. Et le gaz extrait du shale d'Utica, qu'on trouve au Québec, contient très peu de gaz carbonique (CO2), le principal gaz à effet de serre, comparativement au gaz de schiste de la Colombie-Britannique.

«Le gaz naturel contient généralement du gaz carbonique, qui doit être séparé avant l'injection dans le gazoduc, dit M. O'Connor. Il est libéré dans l'atmosphère. Mais le gaz extrait du shale d'Utica, au Québec, en contient si peu qu'il n'a même pas besoin d'être purifié.»

Au sujet des fuites de gaz, le débat est plus vif et potentiellement plus important. Le gaz naturel, c'est du méthane. Et le méthane est un gaz à effet de serre beaucoup plus puissant que le gaz carbonique. Autrement dit, le gaz a encore plus d'impact sur le climat futur quand il n'est pas brûlé.

En effet, le pouvoir de réchauffement du méthane est 25 fois plus grand que celui du gaz carbonique si on considère son impact sur 100 ans. Le facteur est de 72 fois si on considère l'impact sur 20 ans.

M. O'Connor reproche à M. Howarth d'utiliser le critère qui fait le plus mal paraître le gaz naturel, soit son impact sur 20 ans.

M. Howarth défend son choix: «Les gens vantent le gaz naturel comme un carburant de transition vers des énergies plus propres, alors l'horizon de 20 ans est approprié.»

M. O'Connor affirme que le taux de fuites utilisé par M. Howarth est trop élevé. «Il y a eu deux études majeures sur les fuites de gaz dans les années 90, au Canada et aux États-Unis, dit-il. Depuis, l'industrie a beaucoup amélioré ses méthodes, et M. Howarth n'en tient pas compte.»

M. Howarth rétorque que, au contraire, le taux de fuite de 1,5% qu'il a retenu sous-estime la réalité. «Si on regarde la différence entre ce que les industries extraient et ce qu'elles vendent, elle est d'environ 10%. Et les mesures prises sur le terrain, dans des installations gazières, montrent des taux de fuites de 4% à 8%.»

M. Howarth reconnaît toutefois qu'il a fait une erreur de calcul qui multiplie par presque trois fois l'impact des fuites de gaz sur le climat: «Oui, nous avons fait une erreur, dit-il. Nous avons hésité à la corriger dans notre étude préliminaire parce que nous voulons de toute façon publier prochainement une étude plus définitive qui la corrigera. Ce sera fait dans une revue scientifique avec comité de lecture.»

Mais il voit aussi des failles dans le travail de M. O'Connor, qui ne tient pas compte des facteurs spécifiques au gaz de schiste.

«L'eau de fracturation remonte saturée de méthane, lequel s'échappe ensuite dans l'atmosphère, dit-il. En Pennsylvanie, on voit de plus en plus de fuites de gaz dans la nature. Des bulles apparaissent dans les cours d'eau et dans l'eau du robinet. On attribue cela à des coffrages mal faits. C'est un phénomène très mal connu. Je ne suis pas capable de dire ce que cela représente en quantité de gaz à effet de serre, mais ça existe.»