Prise à partie par l'opposition et les détracteurs du gaz de schiste, la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, a évoqué jeudi un nouvel argument en faveur de cette filière: la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).

«Ce qu'on veut faire comme société - c'est la volonté de notre gouvernement - c'est de se donner dix ans pour opérer une reconversion du pétrole vers le gaz naturel. C'est-à-dire que dans notre portefeuille de consommation, on souhaite que le gaz naturel prenne davantage de place que le pétrole», a déclaré Mme Normandeau lors d'un point de presse tenu en marge du 21e Congrès mondial de l'énergie, qui a pris fin jeudi à Montréal.

Le gaz naturel produit davantage de GES que l'hydroélectricité, la première source d'énergie au Québec, mais moins que le pétrole, lequel répond actuellement à 38% des besoins énergétiques de la province.

L'objectif fixé par la ministre est ambitieux: l'exploration gazière n'a débuté qu'en 2007 au Québec et aucune entreprise ne s'est encore engagée officiellement à exploiter le potentiel gazier de la vallée du Saint-Laurent.

Mais surtout, la résistance citoyenne à cette nouvelle filière est pour l'instant très vive. Le gouvernement de Jean Charest a récemment réagi en demandant au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) de consulter la population sur le sujet, mais en lui accordant très peu de temps: le rapport de l'organisme est attendu le 4 février, soit dans moins de cinq mois.

«On a confiance en la capacité des commissaires de faire leur travail», a déclaré Nathalie Normandeau.

La commande est pourtant lourde: la ministre a exprimé jeudi le souhait que le BAPE se rende constater la situation de visu en Pennsylvannie, où l'exploitation du gaz de schiste a donné lieu à plusieurs incidents malheureux.

«Le Québec n'est pas et ne sera jamais la Pennsylvanie, a-t-elle martelé. On va s'assurer d'aller voir ce que nos voisins ont fait pour éviter de répéter les erreurs qui ont été produites. (...) On ne fera jamais de compromis sur la sécurité des Québécois. Cette filière-là, on souhaite qu'elle se développe, mais pas à n'importe quel prix.»

Le gouvernement n'a jamais caché son parti pris pour l'exploitation du gaz de schiste. Il vient de remettre au BAPE un «document technique» qui présente favorablement cette industrie. De plus, Québec s'apprête à rendre public un «document d'orientation» puis à mettre en ligne un site internet qui contiendra des fiches d'information et une foire aux questions.

La ministre Normandeau et des experts gouvernementaux participeront également à une offensive de relations publiques dans laquelle ils répondront aux questions des élus locaux et des «citoyens concernés».

Le gouvernement entend d'autre part conclure, cet automne, un «protocole d'entente» qui précisera les «pratiques exemplaires» que devra adopter l'industrie en matière d'exploration et d'exploitation gazières. On le présente comme un «pacte social» entre l'industrie, le gouvernement et les citoyens qui sera en place jusqu'à l'entrée en vigueur de la future loi sur les hydrocarbures, possiblement l'année prochaine.

Le gouvernement évalue actuellement qu'il pourrait tirer des revenus pouvant aller jusqu'à 230 millions $ de l'exploitation gazière, mais Mme Normandeau songe à revoir le régime de redevances pour faire croître ce chiffre. À cet effet, elle rencontrera sous peu son homologue de Colombie-Britannique, la province canadienne qui a le plus d'expérience en matière de gaz de schiste.

«Il faut trouver le bon équilibre avec, d'une part, un environnement fiscal et réglementaire qui soit attractif pour les entreprises et, d'autre part, un environnement qui fasse en sorte que les Québécois soient les premiers bénéficiaires de la mise en valeur de notre potentiel gazier», a expliqué la ministre.

Jusqu'ici, 28 forages ont été effectués dans les schistes gazéifères du Québec, ce qui a donné lieu à des investissements de plus de 200 millions $.

Réduire la pauvreté?

En matinée, le président de l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ), André Caillé, avait prédit que l'exploitation du gaz de schiste allait s'étendre à toutes les régions du monde et aider les pays en développement à combattre la pauvreté.

Le monde fait face à un «cercle vicieux»: quelque deux milliards de personnes n'ont pas accès aux sources modernes d'énergie, de sorte qu'elles n'ont pas droit à des services de santé et d'éducation adéquats, ce qui les empêche de sortir de la pauvreté, a souligné M. Caillé.

Pour briser ce cercle vicieux, l'ancien président d'Hydro-Québec et de Gaz Métro voit deux pistes de solution: l'expansion de l'hydroélectricité dans les pays en développement, en Afrique notamment, ainsi que l'exploitation du gaz de schiste en Chine, en Inde et en Europe.

Ces gaz non traditionnels «apparaîtront comme une façon très satisfaisante et acceptable de produire plus d'énergie à un coût plus abordable», a-t-il soutenu.

D'ici 2050, il faudra tripler la production mondiale d'énergie pour accroître le niveau de vie des habitants des pays en développement, a rappelé André Caillé.

Le monde aura donc besoin de recourir à toutes les sources d'énergie disponibles, qu'elles soient renouvelables ou non, a-t-il affirmé, faisant écho au discours tenu par plusieurs participants au congrès de cette semaine.

M. Caillé, ancien président du Conseil mondial de l'énergie, s'est réjoui de la signature par le président Barack Obama, l'année dernière, d'une entente qui prévoit le transfert de technologies américaines en matière de gaz de schiste à la Chine.

Le président de l'APGQ a également demandé au Conseil mondial de l'énergie de compiler des données sur les émissions de gaz à effet de serre que produisent les différentes formes d'énergie, plus particulièrement les gaz de schiste et le charbon.

 

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Le président de l'Association pétrolière et gazière du Québec, André Caillé, prédit que l'exploitation du gaz de schiste aidera les pays en développement à combattre la pauvreté.