La résistance des villes à l'industrie du gaz de schiste s'est d'abord exprimée par la demande d'un moratoire. Mais ces dernières semaines, certaines municipalités ont pris des mesures plus concrètes: elles refusent de traiter les eaux de forage dans les usines d'épuration municipales. Une décision qui contraste avec la position de Bécancour.

C'est le cas de Saint-Hyacinthe. «On jugeait qu'on n'avait pas assez d'information sur les produits utilisés par l'industrie», affirme Joëlle Jetté, directrice des communications de la Ville.

Le conseil municipal de Saint-Hyacinthe estime «qu'il n'existe pas de garanties suffisantes permettant de s'assurer du contenu réel de l'eau d'après-forage et que des produits chimiques pourraient en faire partie».

La Ville invoque le «principe de précaution... en attendant d'en savoir plus sur les impacts de l'exploration et l'exploitation des gaz de schiste.

«Des discussions ont eu lieu avec l'industrie en 2008, bien avant que le dossier du gaz n'attire l'attention, dit Mme Jetté. Il avait été jugé que c'était possible de traiter les eaux. Mais il n'y avait pas eu de rejet. Puis, il y a eu la médiatisation du dossier et la demande de moratoire.»

Même décision à la Régie d'assainissement des eaux de la Vallée du Richelieu, qui dessert Mont-Saint-Hilaire, McMasterville, Beloeil et Otterburn Park, soit plus de 55 000 personnes.

Gilles Plante, maire de McMasterville, est président de la Régie et aussi préfet de la MRC de la Vallée du Richelieu. Il invoque lui aussi le principe de précaution.

«Il n'est pas question qu'on traite les eaux de fracturation dans notre usine d'épuration», a-t-il lancé lors de l'assemblée d'information citoyenne sur le gaz de schiste tenue la semaine dernière à Mont-Saint-Hilaire.

En entrevue à La Presse, M. Plante précise qu'il ne détient aucune information ni aucun rapport d'analyse permettant de conclure que les eaux de forage excèdent les normes de son usine d'épuration. «La seule chose que j'ai entendue, dit-il, c'est de la part de notre exploitant à l'usine, qui opère une usine dans une autre ville où il y a eu une demande et où ce n'était pas conforme.» Mais il ne veut courir aucun risque, compte tenu que les boues de l'usine sont utilisées comme engrais.

Contraste

Une telle décision n'a pas été jugée nécessaire à Bécancour. Le maire de Bécancour Maurice Richard a indiqué à La Presse que les sociétés Talisman et Junex avaient été autorisées à rejeter dans les bassins aérés de la Ville, en 2008 et 2009. Selon M. Richard, l'eau avait été analysée par un laboratoire externe. «On a appliqué le règlement», a dit M. Richard, en précisant que les volumes d'eau traités étaient faibles.

Hier soir, M. Richard ajoutait au Nouvelliste que les eaux de forage récemment retirées aux puits de Sainte-Gertrude et Gentilly étaient plutôt envoyées aux bassins de Saint-Nicéphore, près de Drummondville. Une question d'économie, souligne le maire. Ce dernier précise que chaque voyage d'eaux usées est vérifié conformément avec les normes du ministère de l'Environnement et que la Ville serait en droit de refuser une citerne qui ne répondrait pas aux normes.

Pour Maurice Richard, une telle décision prise par un conseil municipal relève probablement plus d'une volonté de prendre position dans le dossier de l'exploitation des gaz de schiste. «Et ils ont le droit de le faire, ça ne regarde qu'eux», ajoute-t-il.

Le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP) n'exerce pas de supervision directe, selon Pierre Paquet, directeur régional Estrie-Montérégie.

«On a demandé aux municipalités de faire respecter leurs normes de rejet, dit-il. On n'a pas de contrôle parallèle à ça, sauf pour s'assurer de la performance des installations municipales.»

Cette façon de procéder inquiète les écologistes.

«J'ai trouvé un article aux États-Unis qui disait qu'aucune usine d'épuration n'était capable de traiter les eaux de fracturation, dit Johanne Dion, de la Fondation Rivières. Il y a trop de signaux d'alarme. Il faut savoir ce qui se passe.»

La Fondation Rivières a demandé au MDDEP de lui fournir «toute analyse de rejets d'eaux contaminées, traités sur place ou acheminés à une station d'épuration municipale, industrielle ou autre» par l'industrie.

La Presse avait fait la même demande au mois d'août. La porte-parole de ministère lui avait alors répondu de s'adresser à l'industrie.