Pauline Marois exigerait que la moitié de la richesse créée par l'exploitation des gaz de schiste revienne à l'État, si elle était élue première ministre du Québec.

Dans un discours prononcé en clôture du rassemblement du Comité national des jeunes du Parti québécois, à Victoriaville, la chef péquiste a indiqué que cette perception de droits pourrait prendre plusieurs formes.

«Ça peut se faire par les droits sur les permis, par les redevances, par les impôts ou en prenant une participation publique», a-t-elle indiqué.

Pauline Marois a dénoncé du même coup «la proximité entre le gouvernement et l'industrie», ainsi que l'octroi «de permis d'exploration à rabais».

«En somme, le gouvernement libéral va développer la filière coûte que coûte et il le fera avec l'industrie, au profit de ses actionnaires», a-t-elle ajouté.

En entrevue à La Presse Canadienne, Pauline Marois a spécifié qu'elle ne s'opposait pas au développement de l'industrie des gaz de schiste, pourvu que celui-ci se fasse dans le respect de certaines règles.

«Je n'ai pas d'objection de principe, loin de là», a-t-elle souligné.

L'adoption d'une loi et de règles précises permettant d'assurer la sécurité de la population et de l'environnement devraient toutefois être obligatoires avant toute poursuite des activités d'exploration et d'exploitation, a indiqué Mme Marois.

Mais si rien ne change dans la manière dont le gouvernement gère le dossier des gaz de schiste, elle craint qu'il n'arrive un point de non-retour qui tuera pour de bon cette filière énergétique au Québec.

La grogne de plus en plus présente dans la population pourrait culminer au point où il sera difficile d'établir des règles qui permettront aux citoyens de se sentir en sécurité, soutient Mme Marois.

Elle dénonce du même coup le mandat «trop restreint» confié au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), qui débutera ses travaux lundi.

Pauline Marois craint également que les faibles moyens et le peu de temps dont disposent le BAPE affecteront la crédibilité du rapport qui sera remis le 4 février.

«(La ministre des Ressources naturelles) Nathalie Normandeau s'est tournée tout d'un coup vers le BAPE,  c'est complètement improvisé et elle ne donne pas un mandat suffisamment solide au BAPE pour qu'il puisse assumer cette responsabilité», dénonce la chef de l'opposition.

«Mais ce qui m'inquiète doublement, c'est que Mme Normandeau et M. Charest ont déjà dit que de toute façon, peu importe ce qu'on leur recommandera, on va explorer et exploiter les gaz de schiste puisque cette décision a déjà été prise.»

Le ministre de l'Environnement, Pierre Arcand, a réagi à ces propos lors d'une entrevue téléphonique qu'il a accordée dimanche après-midi à La Presse Canadienne. Il s'est dit fort étonné par les déclarations de la chef péquiste, l'accusant de «jouer avec les mots» et de faire preuve «d'immobilisme».

«Ce qui me fait sursauter, c'est que j'ai passé deux heures vendredi à expliquer au Parti québécois notre position. Et la députée de Vachon (Martine Ouellet, porte-parole en matière d'environnement pour le PQ) a tenté pendant deux heures de nous dire toutes les raisons pour lesquelles on ne devrait pas lancer cette filière au Québec. Alors je suis un peu surpris de l'attitude de Mme Marois. Je pense que le parti québécois est de mauvaise foi.»

Le ministre Arcand a par ailleurs réitéré que les libéraux étaient eux aussi à l'écoute des citoyens.

«Le ministère de l'Environnement est parfaitement conscient de la situation et de l'insécurité de la population, et je dois vous dire que nous prenons les mesures (...)  pour s'assurer (...) que les eaux usées seront traitées correctement et qu'il n'y a aucun danger pour la population.»

Pierre Arcand a par ailleurs expliqué que le gouvernement ferait «ce qu'il faut» pour aller chercher «le maximum de redevances» en déposant son projet de loi.

«C'est sûr qu'il y aura des redevances pour le gouvernement», a-t-il confirmé, sans toutefois confirmer de quel ordre elles seraient.

Et le BAPE bénéficie selon lui d'un mandat approprié qui «n'est pas trop court» et d'un budget suffisant, contrairement à ce que prétend Pauline Marois.

Le BAPE «peut faire ce qu'il veut» pour obtenir des recommandations en ce qui concerne les techniques de fracturation puisque sur les plans du forage et du traitement des eaux usées, le Québec bénéficie déjà d'une «très bonne» expertise, a déclaré Pierre Arcand.

Référendums aux quinze ans

Par ailleurs, Pauline Marois rejette du revers de la main la proposition de Michael Fortier de tenir un référendum sur la souveraineté du Québec tous les quinze ans.

L'ancien ministre conservateur soutient que des référendums obligatoires permettraient de mettre un terme aux éternels débats sur l'unité nationale.

Mme Marois ne voit pas la nécessité de prendre un temps d'arrêt dans le débat sur l'avenir du Québec. «Nous sommes capables de parler d'autres choses et en même temps de penser à l'avenir du pays», soutient la chef souverainiste.

Et elle souligne, sourire en coin, que selon la proposition de M. Fortier, Jean Charest devrait organiser un référendum sur la souveraineté cette année puisque la dernière consultation publique sur le sujet remonte à quinze ans.