Les droits des sociétés gazières continueront d'avoir préséance sur les pouvoirs des municipalités. Le gouvernement Charest rejette une demande importante du monde municipal qui souhaitait que la loi sur l'aménagement du territoire soit révisée.

«On est conscients des inquiétudes des municipalités, mais il ne faudrait pas que ça se traduise par un droit de veto des municipalités» sur les projets d'exploration et d'exploitation du gaz de schiste, a affirmé la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, mercredi.

Elle tenait une conférence de presse en compagnie de son collègue de l'Environnement, Pierre Arcand, afin de condamner les projets de loi du Parti québécois et de Québec solidaire réclamant un moratoire sur le gaz de schiste.

La loi prime

La loi sur les mines, qui encadre l'industrie gazière, prime tout règlement municipal. L'article 246 de la Loi sur l'aménagement et l'urbanisme prévoit qu'aucun règlement ou schéma d'aménagement «ne peut avoir pour effet d'empêcher», par exemple, «la désignation sur carte d'un claim, l'exploration ou l'exploitation de substances minérales ou de réservoirs souterrains faits conformément à la Loi sur les mines».

L'Union des municipalités du Québec (UMQ) réclame l'abolition de l'article 246. Selon elle, «tant que les droits miniers ont préséance sur les pouvoirs des élus municipaux, la prise en compte des intérêts locaux demeure trop aléatoire».

Mais Nathalie Normandeau rejette la demande des municipalités qui, à ses yeux, revient à un droit de veto. La préséance des droits miniers, «ça ne m'inquiète pas», a-t-elle noté. «Le Ministère et le gouvernement vont toujours conserver leurs prérogatives» pour encadrer l'industrie. Elle a confirmé que les entreprises conserveront un droit d'expropriation contre ceux qui s'opposent à leurs activités sur leur terrain. Le gouvernement étudie les demandes d'expropriation, et «ce processus est bien encadré», a-t-elle dit.

Plus tôt ce mois-ci, au cours des audiences du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), le président de la commission, Pierre Fortin, a tenté de savoir pourquoi la loi sur les mines prime les règlements municipaux. «Je n'ai pas la réponse précise», lui a répondu un fonctionnaire du Ministère, Jean-Yves Laliberté. Il laissait entendre que les municipalités allaient bientôt hériter de nouveaux pouvoirs.

Nathalie Normandeau s'est limitée à dire qu'une municipalité sera informée «de façon systématique et écrite» quand son ministère accordera un permis à une entreprise pour faire des activités d'exploration ou d'exploitation sur son territoire.

«C'est gentil de nous informer, mais la décision est déjà prise. C'est insuffisant», a réagi le président de l'UMQ, Marc Gascon. Il déplore qu'une société détenant un permis d'exploration n'ait pas à tenir compte des règlements municipaux, autant les schémas d'aménagement que les règles de zonage. «On n'a aucun mot à dire sur la façon dont se fait le développement minier ou gazier sur notre territoire. On n'est pas contre le fait d'exploiter nos ressources naturelles, mais est-ce qu'on peut être mis dans le coup?» a demandé M. Gascon.

Selon Nathalie Normandeau, les municipalités n'ont pas à s'inquiéter. «Sincèrement, en 2010, une compagnie ne peut plus se comporter en matamore», a-t-elle lancé. Cette déclaration lui a valu bien des questions, compte tenu des manchettes récentes. «Ce que je veux dire, c'est que les entreprises dans le domaine gazier ont tiré des leçons de ce qui s'est passé», a-t-elle dit.

Sans se consulter, le PQ et Québec solidaire ont déposé chacun leur tour, mercredi, un projet de loi réclamant un moratoire. Ces projets de loi vont mourir au feuilleton, puisque le gouvernement Charest n'a pas l'intention de les soumettre au débat en Chambre.

Moratoire demandé

Le PQ veut un moratoire «jusqu'à l'entrée de nouvelles dispositions législatives et réglementaires» pour encadrer l'industrie gazière. Selon le député péquiste Scott McKay, il faut stopper les «cowboys» de cette industrie. «Il est très clair qu'il n'y en a pas d'urgence pour le développement de cette industrie-là», a affirmé sa collègue, Martine Ouellet.

Le moratoire demandé par Québec solidaire serait d'une durée de trois ans, renouvelable. Le député Amir Khadir demande l'adoption d'une nouvelle politique énergétique. «Notre préjugé est défavorable par rapport aux hydrocarbures en général, a-t-il dit. Est-ce qu'on reste dopé aux énergies fossiles ou on fait de meilleurs choix?»

Pour Nathalie Normandeau, «la meilleure façon de faire mourir une filière qui est encore naissante, c'est de demander un moratoire». Les activités d'exploration doivent se poursuivent, car elles permettront de connaître le «réel potentiel qui existe» dans le sous-sol québécois, a-t-elle plaidé. Neuf forages ont été autorisés cette année; onze l'an dernier.