La reprise du débat sur le gaz de schiste, hier, a confirmé le fossé qui sépare la majorité de la population des lobbys économiques et du gouvernement Charest.

Les audiences du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) ont repris hier à Longueuil avec la présentation des mémoires des citoyens et des groupes.

Selon la majorité des intervenants, l'urgence d'exploiter le gisement québécois de gaz de schiste n'est pas démontrée.

Selon Nature Québec, Greenpeace, l'Association des étudiants de Polytechnique et tous les citoyens qui ont témoigné hier, un moratoire est nécessaire.

«Quelle est l'urgence d'exploiter cette énergie non renouvelable?» demande l'auteur et metteur en scène Dominic Champagne, qui dit s'être entièrement immergé dans ce dossier depuis la fin de l'été.

En l'absence d'un cadre réglementaire adéquat, les groupes et citoyens estiment que le BAPE devrait recommander un moratoire sur cette industrie naissante, en attendant une étude approfondie sur ses impacts et une réforme de la réglementation.

Plus d'une centaine de personnes ont fait écho à ces demandes en manifestant à l'extérieur de l'hôtel où se tenaient les audiences. Ils ont demandé la démission du premier ministre Jean Charest et ont conspué la ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau.

«Ce qui s'en vient est immense, a dit M. Champagne. De quoi aura l'air la vallée du Saint-Laurent avec 10 000 puits? Peut-on avoir le plan?»

Équiterre conclut aussi qu'un moratoire s'impose, car aucune réponse satisfaisante à ses questions n'a été apportée pendant les 11 séances consacrées aux explications de l'industrie et du gouvernement.

Selon une nouvelle estimation d'Équiterre, basée sur une étude de l'État de New York et sur les projections de SECOR sur le déploiement prévu de l'industrie au Québec, les puits québécois de gaz pourraient émettre 5,7 millions de tonnes de gaz à effet de serre en 2020. «Ça correspond à 35% de l'objectif de réduction du Québec, dit le coordonnateur général adjoint de l'organisme, Steven Guilbault. C'est très difficile de voir comment on pourrait compenser ces nouvelles émissions par des réductions ailleurs dans l'économie.»

Les lobbys économiques ont proposé au contraire de lancer l'exploitation du gaz de schiste. Le Conseil du patronat préconise le «développement diligent» de l'industrie du gaz. Industrie qui est déjà très encadrée, selon le Conseil patronal de l'environnement du Québec.

La société Gastem propose toute de même de resserrer certains critères. La distance réglementaire de 100 mètres entre les résidences et un forage «n'est pas acceptable» et devrait être portée à 200 mètres. «La distance idéale est de 500 mètres, a dit le président de Gastem, Raymond Savoie. Entre 500 et 200 mètres, il devrait y avoir des mesures de compensation additionnelles.» Il propose aussi de faire une analyse préalable des puits d'eau potable et agricoles dans un rayon d'un kilomètre autour du forage.