L'une vit un boom. L'autre semble écrasée. Dawson Creek et Hudson's Hope, deux villes de la Colombie-Britannique, voient très différemment le déploiement de l'industrie gazière sur leur territoire.

«Dawson Creek n'avait pas vécu beaucoup de changements pendant 25 ans, dit le maire Mike Bernier. C'était une belle communauté, mais sur le plan économique, c'était un peu figé.»

Avec la naissance puis le déploiement massif de l'industrie gazière, un changement n'attend pas l'autre. En huit ans, la moyenne d'âge est passée de 50 ans à 33 ans. Six hôtels se sont construits en quatre ans et un autre est en chantier. La population est passée de 11500 personnes à environ 13000, sans compter les travailleurs nomades.

L'élévateur à grains qui domine la ville témoigne du passé agricole de Dawson Creek. Mais aujourd'hui, les tours de forage ponctuent le paysage. Une raffinerie de gaz est aussi prévue à l'ouest de la ville. Ce projet de Spectra Energy fait partie des 1,5 milliard de dollars que cette société de Houston prévoit investir dans le nord-est de la Colombie-Britannique.

Le maire Bernier se défend de transformer sa ville en boomtown, en ville champignon du gaz. «Nous essayons de planifier, dit-il. Il faut densifier et combattre l'étalement. Quand une population croît, il faut que les services municipaux suivent.»

«On est sur le fil du rasoir, dit le maire Bernier. On ne veut pas restreindre l'industrie, mais elle n'est pas une fin en soi. Et il y a bien des gens qui disent: "On se débrouillait très bien avant."»

Bon pour le commerce

L'arrivée de l'industrie est bonne pour le commerce local, selon le maire, entre autres parce que la ville a su convaincre des travailleurs de s'y installer. Et les revenus fiscaux ont suivi: les investissements municipaux pour les premiers mois de cette année battent déjà le record pour une année entière, établi l'année précédente. Un aréna tout neuf en témoigne.

La ville a néanmoins traversé une crise cette année. «On vit ce boom gazier en plein milieu d'une sécheresse», dit M. Bernier.

L'industrie gazière s'approvisionne à l'aqueduc. Elle a consommé jusqu'à 25% de l'eau municipale, jusqu'à ce que l'eau manque et que la Ville lui ferme le robinet.

Le gouvernement a lancé une idée: pourquoi ne pas construire une usine d'épuration capable de produire une eau acceptable pour l'industrie à partir des égouts? La société Shell, principale cliente de l'aqueduc municipal, a répondu en offrant de payer cette usine.

Le projet doit encore être lancé officiellement, mais la Ville l'a accepté en principe, après avoir consulté ses citoyens.

Un conseil du maire Bernier aux élus québécois: vaut mieux se préparer. «Il faut commencer à planifier, dit-il. Si l'industrie s'en vient, il faut exiger d'être consulté. Les sociétés réalisent qu'elles ne peuvent arriver sans avertissement, sinon elles provoquent un ressac dans la population.»

À l'opposé, Hudson's Hope

À l'autre extrémité du gisement gazier, la ville de Hudson's Hope, qui compte 1100 habitants, vit plutôt mal son boom.

Située dans la vallée de la rivière Peace, en aval du barrage hydroélectrique qui est le plus important employeur en ville, Hudson's Hope attirait jusqu'à maintenant les amateurs de beauté sauvage et de tranquillité. C'est en train de changer.

Karen Andersen nous reçoit dans un salon de lecture de la bibliothèque municipale, où elle travaille à temps partiel. Elle est mairesse à temps partiel aussi, deux jours par semaine, mais sa petite ville est en fait la plus vaste de la province en superficie.

Le boom gazier aurait pu permettre à Hudson's Hope de se relever de la crise de l'industrie forestière. Mais c'est loin d'être le cas, dit-elle.

«Toute l'activité est dans les terres publiques et c'est là où s'en va la plus grande partie de l'argent aussi, dit-elle. Mais en même temps, on subit l'usure de nos routes et la demande en eau.»

L'arrivée du projet gazier de Talisman, à 20 kilomètres au nord, a lancé la communauté «dans une spirale», dit la mairesse. La mairesse reconnaît que Talisman a fait des efforts pour bien communiquer avec la Ville et la population. «De ce point de vue, ils ont été mieux que les autres», dit-elle.

Pas assez de bénéfices

«D'un côté, notre beauté naturelle se fane, mais de l'autre, l'industrie ne soutient pas suffisamment les commerces et les services locaux, dit la mairesse. Il y a un camp de travailleurs qui se fait livrer sa nourriture directement de l'Alberta par camions entiers. Ce serait bien si 12 ou 15 familles s'installaient pour de bon en ville, mais au lieu de ça, les maisons sont louées à des groupes de travailleurs de l'extérieur.»

Elle se sent abandonnée. «La province fait trop d'argent avec le gaz pour prendre notre défense», dit-elle.

Une entreprise locale a su profiter du boom: Durango Oilfield Services. Partie de rien avec un camion il y a huit ans, l'entreprise fondée par Richard Brown, Montréalais de naissance, emploie maintenant 60 personnes. C'est devenu le deuxième employeur de la ville.

Mais Durango vient d'être rachetée par une grande entreprise de Calgary. «Il fallait prendre de plus grands risques pour continuer de croître, acheter des équipements plus spécialisés et offrir plus de services, raconte M. Brown, qui est resté patron de l'entreprise. Je n'étais pas prêt à prendre ces risques, en connaissant les hauts et les bas du gaz.»

Malgré tout, M. Brown juge l'industrie gazière «solide». «Toute industrie a ses impacts, et celle-ci a beaucoup de mauvaise presse, mais jusqu'à maintenant, le positif excède de beaucoup le négatif. Il y a beaucoup d'emplois offerts, pour des électriciens, des soudeurs, des cuisiniers dans les camps. Il y a aussi plein d'occasions de lancer de nouvelles entreprises. The sky's the limit.»

Mais pour la mairesse Andersen, il faut être prêt à voir sa communauté changer. «On se voyait comme une communauté propre, tranquille, où des gens voudraient s'installer pour leur retraite, dit-elle. Les gens du Québec rural devraient être très heureux de ce qu'ils ont et j'espère qu'ils n'auront jamais à vivre ce que nous traversons.»