En plus de l'eau et les terres agricoles, la forêt subirait elle aussi les impacts de l'exploitation du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent. D'autant plus que pour réduire son impact visuel, le gouvernement veut mettre les massifs forestiers au service de l'industrie.

C'est ce que dénonce le Syndicat des propriétaires forestiers de la région de Québec, dans un mémoire présenté hier au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), qui tenait sa dernière séance hier à Saint-Flavien, dans Lotbinière.

Selon le syndicat, qui représente 15 000 propriétaires, ce sont les gazoducs et les chemins d'accès, avec leurs emprises de 20 mètres et plus, qui vont entraîner le plus grand déboisement.

Le syndicat a fait des estimations sur l'hypothèse d'une plateforme de forage aux 250 hectares, une densité comparable à ce qui se fait ailleurs. «On peut facilement imaginer une déforestation atteignant près de 5% du territoire» avec ces centaines de nouvelles saillies dans le couvert forestier. Notons qu'il s'agit d'une perte dans un habitat déjà fortement grugé par l'agriculture et l'étalement urbain.

Le syndicat reconnaît que les plateformes pourraient être reboisables, mais c'est «plus incertain» dans le cas des chemins et emprises de gazoducs.

Les hydrogéologues inquiets

On ne connaît pas suffisamment les eaux souterraines pour les soumettre aux aléas de l'industrie gazière. C'est en résumé l'avis du Groupe de recherche interuniversitaire sur les eaux souterraines (GRIES), qui regroupe des experts provenant de six établissements universitaires québécois.

«Près de 50% du territoire municipalisé de la province n'a pas encore fait l'objet d'études hydrogéologiques régionales, affirme le groupe dans son mémoire. C'est le cas notamment d'une partie significative des territoires envisagés pour l'exploitation des gaz de shale. Or, comment protéger une ressource qui n'est pas encore bien connue?»

Le groupe de scientifiques chevronnés attaque l'une des prétentions les plus importantes de l'industrie gazière, selon laquelle il n'y a pas de possibilité de contaminer la nappe phréatique si les forages sont bien faits.

«Dans le cas où des connexions hydrauliques existent entre les formations profondes et celles de surface (e.g. failles ou forte densité de fractures), le fluide utilisé pour la fracturation pourrait migrer vers les nappes d'eau souterraine situées au-dessus de l'unité de shale», affirme le GRIES.

Levé sismique

«Les méthodes de ces compagnies pour arriver à leurs fins sont choquantes. C'est comme si on avait violé notre propriété, on a passé par-dessus nos trois interdictions. Ils nous ont dit qu'ils nous dédommageraient et nous avons accepté... Je tiens à préciser que nous avons pris le chèque parce que le mal était déjà fait et qu'ils n'allaient pas s'en sauver en plus en ne payant rien pour leur erreur.»

Ces extraits du mémoire d'une citoyenne de Leclercville, Sonia Lafond, qui témoignait elle aussi hier, font suite à un levé sismique réalisé dans la région pour localiser le gisement gazier qui sera exploité par Talisman.

Selon cette citoyenne, l'entreprise qui a fait ce levé a ignoré le refus exprimé à trois représentants différents de faire exploser des charges sur sa terre.

«Des études rigoureuses et sérieuses se doivent d'être faites par des firmes indépendantes afin de bien connaître ce dans quoi on s'embarque et décider ensuite de ce que nous voulons supporter comme risques environnementaux versus les réels bénéfices de cette industrie, poursuit Mme Lafond dans son mémoire. M. Claude Villeneuve, directeur de recherche éco-conseil à l'Université de Chicoutimi, conclut que tout ce dossier demande une grande prudence et beaucoup de vision. C'est ce que je vous demande maintenant.»