Une distribution d'artistes habituée de fouler les tapis rouges des remises de prix s'est réunie pour réclamer, non pas un trophée, mais un moratoire sur le développement du gaz de schiste au Québec.

L'auteur et metteur en scène Dominic Champagne tire les ficelles d'une véritable coalition à laquelle participent les comédiens Roy Dupuis, Marc Béland, Élise Guilbault, Anne Dorval, Christian Bégin, Alexis Martin, le conteur Fred Pellerin et le groupe Mes Aïeux, pour ne nommer que ceux-là.

La vidéo, disponible sur le site YouTube, s'ouvre avec un message dénonçant la volonté du gouvernement du Québec de développer les ressources en gaz dans la vallée du Saint-Laurent, sans le consentement de la population. Ces artistes disent s'inquiéter des conséquences de l'exploitation de la filière des gaz de schiste, en citant les États-Unis qui vivent avec les impacts environnementaux de cette exploitation.

«Ce que la vidéo demande, c'est d'imiter ce que les citoyens de l'État de New York ont fait en réalisant que cette industrie pouvait porter atteinte à l'eau potable de leur population. Ils ont dit, on arrête tout et on va prendre le temps d'étudier ça», a déclaré Dominic Champagne, en entrevue.

L'auteur reconnaît que le gouvernement affirme vouloir agir avec les plus hautes normes en matière d'environnement, mais il déplore que dans les faits, l'industrie est largement laissée à elle-même.

«J'ai vu de mes yeux, dans un village où je passe mes étés, un bassin rempli d'eau contaminée. Il y a eu des avis émis par le ministère par la suite, mais le risque est réel. Compte-tenu des enjeux, il faut que les citoyens se mobilisent», a-t-il ajouté.

Cet appel à la prudence est partagé par l'écologiste Daniel Breton, du projet Maître chez-nous, qui a travaillé à cette campagne.

«Faudrait s'assurer d'avoir toutes les réponses avant de se lancer là-dedans. Et rien ne dit qu'il faut se lancer. Aux États-Unis, ils ont procédé et maintenant, ils sont pris avec une réflexion à rebours, après avoir eu des problèmes», fait observer M. Breton.

Bien que cette prise de position puisse ressembler à un blocus en règle contre l'exploitation gazière, les artistes soutiennent qu'ils ne sont pas opposés à cette industrie, mais qu'ils désirent s'assurer que le tout s'effectuera «proprement».

Ils s'attendent à ce que la population soit appelée à se prononcer. Ils souhaitent qu'on leur assure que tout se fera dans le respect des normes, selon les besoins réels en gaz, certes plus propre que le mazout lourd, mais sans doute moins que d'autres formes énergies.

«Ce que nous voulons, c'est un temps de recul», a nuancé Daniel Breton.

Cette campagne, à la fois environnementale, politique et économique englobe plusieurs enjeux. Dominic Champagne en est bien conscient.

«Il n'y a rien qui nous empêche de devenir une puissance économique verte, ce serait stupide de mettre ça de côté! Ce que l'on veut, c'est que les choses se fassent dans l'intérêt public et actuellement, certaines précautions ne sont pas prises», a insisté M. Champagne.

Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement doit rendre son rapport en février 2011 à la suite de sa consultation sur le développement durable des gaz de schiste. De nombreux documents et mémoires ont jusqu'ici été déposés.

Ce type de campagne YouTube n'est pas la première du genre pour la communauté artistique québécoise. La vidéo Culture en péril mettant en scène Michel Rivard et Stéphane Rousseau dénonçait les coupes fédérales en culture et la campagne Unissons nos voix s'en prenait au gouvernement de Stephen Harper durant la campagne électorale canadienne de 2008.

La campagne de signatures pour l'obtention d'un moratoire, se poursuivra jusqu'au 5 janvier 2011.