Les fuites dans les puits de gaz de schiste détectées par le ministère des Ressources naturelles sont naturelles et ne devraient pas inquiéter la population, même si elles durent depuis des années.

C'est ce qui ressort des informations que le ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF) et l'industrie ont fournies hier.

Dans un rapport remis au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) dont La Presse a fait état hier, le MRNF signale avoir observé des émanations de gaz naturel dans 19 des 31 puits inspectés.

Contrairement à ce qu'a affirmé mardi l'Association pétrolière et gazière du Québec, ces fuites ne sont pas attribuables au fait que le coffrage des puits venait tout juste d'être achevé.

«Toutes les inspections dont il est question dans le rapport ont été faites à l'automne 2010», a indiqué à La Presse Sébastien Desrochers, directeur du Bureau des hydrocarbures au MRNF.

Or, ces puits ont été forés entre 2006 et 2010.

Mardi, Stéphane Gosselin, de l'APGQ, a affirmé qu'il était normal d'observer des émanations dans les heures ou les jours qui suivent le coffrage des puits. «C'est clair que dans certains cas, il ne s'agit pas de cela», a reconnu M. Gosselin hier à La Presse.

Le président de Questerre, Michael Binnion, a donné des explications plus précises hier. Questerre est propriétaire d'un des puits nommés dans le rapport.

«Notre plan est d'abandonner ce puits parce qu'il n'a jamais produit une quantité mesurable de gaz, dit M. Binnion. Alors, je suis sûr que dans ce cas, on parle d'une émanation sans conséquence.»

Selon M. Binnion, il est possible que dans ce cas et dans les autres mentionnés dans le rapport, le gaz se situe à une faible profondeur et s'échappe le long de la paroi extérieure du tubage du puits. «Il y a du gaz près de la surface dans toute la plaine du Saint-Laurent, dit-il. C'est du gaz qui se serait échappé de toute façon.»

Dans d'autres cas, beaucoup plus rares, dit-il, il peut y avoir des émanations en provenance du puits lui-même. Ces émanations sont détectées à travers un évent et peuvent être corrigées.

Selon M. Binnion, le rapport du MRNF est un «bon signe parce qu'il signifie que le gouvernement fait son travail de surveillance».

«Pas d'inquiétude»

De son côté, M. Desrochers assure que ces émanations ne suscitent pas d'inquiétude, bien qu'on «demande aux sociétés d'apporter des correctifs afin de ne pas gaspiller la ressource». «À l'heure actuelle, il n'y a pas de préoccupations pour l'environnement ou la santé», dit-il.

Mais pour André Bélisle, de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), il faut au moins tenir compte de ces émanations en matière de gaz à effet de serre (GES).

En effet, le méthane, principale composante du gaz naturel, a un pouvoir réchauffant 20 fois plus élevé que le gaz carbonique.

«On sous-estime - on ne sait jusqu'à quel point - les émissions québécoises de gaz à effet de serre, soutient M. Bélisle. Ça démontre qu'on n'est pas prêts à faire face à cette industrie et à l'encadrer. C'est pour ça qu'on a besoin d'un moratoire.»

Une notion que rejette Michael Binnion, de Questerre. «Ces émanations n'ont aucun impact significatif du point de vue des GES, dit-il. Ces fuites se produisent naturellement de toute façon.»

De son côté, le député péquiste Scott McKay estime que le gouvernement libéral fait preuve de «laxisme» et de «complaisance» en prenant «la défense» de l'industrie du gaz de schiste, tout en manquant de transparence.

Si ce n'était du BAPE qui a posé ces questions, jamais le ministère des Ressources naturelles, jamais sa ministre Nathalie Normandeau et encore moins le ministre de l'Environnement, Pierre Arcand, ne les auraient soulevées, a-t-il déploré en entrevue à La Presse Canadienne.

«Ce manque de transparence est inquiétant», a-t-il ajouté. À ses yeux, le rapport «donne raison» au Parti québécois qui demande un moratoire sur l'exploration et l'exploitation dans le domaine du gaz de schiste.