Incapable de se prononcer sur les risques que pose l'industrie du gaz de schiste, l'Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ) lance un appel à la prudence tout en se faisant rassurant sur la question de l'eau potable.

Dans un rapport préliminaire rendu public vendredi et réalisé par une équipe chevronnée, l'INSPQ passe en revue l'état des connaissances sur les impacts que l'industrie gazière a eu ailleurs, principalement aux États-Unis.

Cela a permis de faire ressortir «quelques dangers, réels, soupçonnés ou potentiels, mais ne permet pas pour l'instant d'évaluer les risques» pour la santé de la population.

Sur la question cruciale des risques pour l'eau potable, l'INSPQ note que, si un puits est bien fait, le risque de contamination est minime, car «la probabilité d'une rupture (est de) une sur 50 millions pour la durée de vie du puits».

Gare à la fracturation hydraulique

L'INSPQ pose toutefois un jugement partagé sur la technique de fracturation hydraulique, qui consiste à faire fendre la roche en y injectant un liquide sous pression pour libérer le gaz.

Les risques sont loin d'être complètement circonscrits, affirme l'Institut. Le lancement par l'Agence de protection de l'environnement des États-Unis d'une étude sur les impacts potentiels de la fracturation hydraulique a fait suite à la «détection de composés chimiques pouvant résulter d'opérations de forage dans plusieurs puits d'alimentation en eau potable» au Wyoming.

D'un autre côté, l'Institut rappelle que, selon les données de l'industrie, la grande profondeur des forages fait en sorte que les liquides industriels et le gaz ne migrent pas jusque dans les sources souterraines d'eau potable. Les «nappes aquifères seraient donc peu vulnérables».

L'INSPQ exige tout de même que l'industrie fournisse pour chaque forage la liste des produits chimiques utilisés et leurs quantités. Dans une liste de 51 produits utilisés pour la fracturation, au Québec, l'Institut constate que 6 sont des substances possiblement cancérigènes ou avérées telles.

On exige aussi une meilleure connaissance de l'état actuel des eaux souterraines, afin de pouvoir éventuellement déterminer si elles ont été contaminées.

Même raisonnement sur la pollution de l'air. A priori, impossible d'évaluer les risques pour la population québécoise faute de détails sur les projets de l'industrie.

L'Institut croit qu'on pourrait s'attendre à ce que la pollution soit «très localisée étant donné que les quantités émises seraient relativement faibles, et que ces polluants se diluent dans l'air ambiant».

«Cependant, selon une étude récente effectuée au Texas, des augmentations des concentrations de divers (polluants) ont été notées sous les vents dominants des sources d'émissions des installations gazières, note l'Institut. Des augmentations des niveaux de contaminants comme le benzène pourraient donc être observées dans les résidences localisées très près des installations gazières et contribuer à augmenter les risques de cancer et d'effets neurotoxiques des habitants si l'exposition est d'une durée de plusieurs années.»

«Une raison de continuer l'exploration»

Le rapport de l'INSPQ a été remis au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) à temps pour qu'il en tienne compte dans la rédaction de son rapport, qui doit être remis au ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP), Pierre Arcand, le 28 février.

La ministre des Ressources naturelles, Nathalie Normandeau, a reconnu «qu'on n'a pas toutes les informations», mais elle y voit une raison de continuer l'exploration, ce qui permettra selon elle d'amasser plus de connaissances.

Elle annonce sa volonté «d'aller rencontrer les citoyens» pour défendre le dossier. «J'envisage la possibilité de rencontrer des groupes sur le terrain, dans les régions qui sont concernées par la filière gazière», a-t-elle dit.

Une intention très mal reçue par les opposants. «Elle part en tournée d'information au moment même où l'INSPQ nous dit qu'on manque d'information, dit André Bélisle, de l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA). C'est kafkaïen!» Selon l'AQLPA, le rapport de l'INSPQ est un argument de plus pour un moratoire.

«Mme Normandeau n'a pas encore compris que ce que les Québécois souhaitent, c'est que leur gouvernement cesse les forages et obtienne une information neutre et complète, dit le député péquiste Scott McKay, porte-parole de l'opposition officielle en matière de mines. Sans cet effort, sa tournée relèvera du simple exercice de relations publiques.»