L'exploitation des gaz de schiste commence à se heurter en France à une forte contestation, qui rejoint celle qui est menée au Québec depuis des mois.

Samedi, une première manifestation nationale a rassemblé environ 15 000 opposants dans la région de l'Ardèche (Sud-est). Venus de toute la France, des élus locaux et régionaux, des riverains, des associations se sont mobilisés pour dénoncer une «catastrophe écologique annoncée» et réclamer l'abrogation des permis de forage d'exploration accordés à trois géants du secteur : Total, GDF Suez et Schuepbach Energy.

La prospection doit couvrir l'Ardèche, l'Aveyron et la Drôme, soit un huitième du territoire français.

A la tête de la manifestation se trouvait le célèbre «faucheur d'OGM» José Bové, qui s'est réjoui de voir la mobilisation prendre «comme une trainée de poudre».

José Bové ne manque jamais une occasion de citer en exemple la bataille menée par les Québécois, avec lesquels il veut faire front commun. Il y a quelques semaines, il a proposé de jumeler les villages français et québécois concernés par l'exploitation des gaz de schiste. Plus de soixante  communes «seraient intéressées», a-t-il indiqué.

Le Québécois Pierre Batellier, du Regroupement citoyen de mobilisation contre le gaz de schiste, a fait le voyage en Ardèche, pour prendre part à la manifestation.

«Méfiez-vous ! C'est juridiquement très difficile de contester les forages après coup. Chez nous, 77 pour cent de la population n'en veut pas, mais le gouvernement s'en moque », a lancé M. Batellier dans la presse régionale.

Le débat qui s'est engagé autour de ces forages ressemble en tous points à celui que l'ancien premier ministre Lucien Bouchard tente d'apaiser pour le compte de l'industrie pétrolière et gazière québécoise. Les opposants fustigent le manque de transparence et l'absence de consultation. Ils s'inquiètent surtout de voir les nappes phréatiques polluées et les activités rurales et touristiques ruinées par des «techniques de fragmentation très dangereuses».

Le gouvernement et les gazières font valoir de leur côtés les retombées économiques pour les régions et une réduction d'environ cinq pour cent de la facture pétrolière française.

Devant l'opposition grandissante, la ministre française de l'Écologie, Nathalie Kosciusko-Morizet, a annoncé début février la suspension des travaux d'exploration en attendant les conclusions d'une étude d'impact environnemental, attendues pour le moins de juin.

Dans le journal Libération, la ministre a assuré qu'elle n'autoriserait pas une exploitation «à l'américaine», avec les «paysages ravagés» et «l'eau polluée» par des «produits extrêmement agressifs». Mais son collègue de l'Énergie, Éric Besson, a déjà prévenu que la France «n'a pas fermé la porte au gaz de schiste» pour autant.

En attendant, la manifestation de ce week-end aura donné son lot de jeux de mots. Sur les pancartes et les banderoles, on pouvait notamment lire: «Ninschistez pas», «No gazaran!» (en référence au «No Pasaran» des républicains espagnols de la Guerre civile) et surtout «Gaz-toi, pov'con!», allusion limpide au «Casse-toi pauv'con» lancé par le président Sarkozy a un homme qui avait refusé de lui serrer la main lors d'une visite au salon de l'agriculture.