Malgré les prétentions de l'industrie, qui le qualifie de carburant propre, le gaz naturel n'est pas la bonne arme contre les changements climatiques, estime une analyse publiée par la Fondation David Suzuki et l'Institut Pembina.

Au contraire, la modélisation économique montre que, si des mesures contre les changements climatiques sont adoptées, la consommation de gaz naturel déclinera dans les prochaines décennies en Amérique du Nord.

C'est donc avec beaucoup de précautions qu'il faut autoriser de nouveaux projets gaziers comme l'exploitation du gaz de schiste dans le sud du Québec.

«Une production accrue de gaz naturel au Canada créerait une série de problèmes tout en rendant plus difficile la lutte contre les changements climatiques», affirme Dale Marshall, de la Fondation David Suzuki.

Impact de l'exploitation

D'autant plus que l'exploitation du gaz de schiste a toutes sortes d'impacts en surface. Les auteurs du rapport ont par exemple calculé que, pour obtenir la même quantité de gaz dans un gisement de schiste que dans un gisement traditionnel, il faut jusqu'à 100 fois plus de sites de forage.

Le rapport affirme qu'un «niveau d'acceptation élevé chez les citoyens concernés» est nécessaire avant d'autoriser l'exploitation du gaz de schiste dans une région donnée.

Le rapport constate malgré tout qu'aucun cas concluant de contamination des nappes phréatiques ne peut être attribué à l'exploitation du gaz de schiste. En revanche, de nombreux cas de migration de méthane ont pu être causés par des puits défectueux.

Selon Matthew Bramley, de l'Institut Pembina, l'augmentation de la production de gaz en Amérique du Nord empêcherait l'émergence des énergies vertes, les seules qui permettraient de réduire de 80% les émissions de gaz à effet de serre (GES) d'ici à 2050 et de stabiliser le climat mondial en limitant le réchauffement à 2°C.

M. Bramley reconnaît que le gaz naturel émet moins de GES que le charbon dans les centrales thermiques, mais il ne croit pas pour autant qu'on doive construire de nouvelles centrales au gaz. «Si on augmente la capacité, il y a un risque de piège, dit-il. Ça deviendrait un obstacle à d'autres réductions.»

«Dans nos modélisations, le charbon est en déclin de 2008 à 2035, mais il est remplacé par les énergies renouvelables, non par le gaz», dit-il.

Selon plusieurs projections récentes, la consommation de gaz naturel sera stable ou en baisse en Amérique du Nord, dans les prochaines décennies, si l'on met en place des mesures pour réduire les émissions de GES.

C'est le cas notamment dans les projections de la Western Climate Initiative (WCI), une alliance d'États et de provinces dont le Québec fait partie, ainsi que dans celles de l'Agence internationale de l'énergie (AIE).

Le rapport ne croit pas non plus à une percée significative du gaz naturel dans le domaine des transports. «L'AIE prévoit qu'il y aura 20 fois plus de véhicules électriques légers que de véhicules légers au gaz naturel en 2035», note-t-on.

Il reste la question épineuse mais cruciale des émissions fugitives de gaz, qui ont un très grand impact sur le climat. En effet, le méthane est un gaz à effet de serre très puissant - il a 23 fois le pouvoir réchauffant du gaz carbonique (CO2) sur un horizon de 100 ans. Faute de données fiables sur ce sujet, le rapport ne se prononce pas là-dessus. «Si de nouvelles recherches sont publiées, on devra ajuster nos conclusions de façon à être encore plus défavorable au gaz», dit M. Bramley.