Le Québec vient d'adopter, après des années de gestation, un nouveau règlement sur la qualité de l'air, mais ce dernier ne s'applique pas aux forages gaziers, a constaté La Presse.

En effet, ce règlement entré en vigueur le mois dernier s'applique aux sources de pollution fixes, comme une usine, mais pas à l'imposante machinerie mobile employée dans les chantiers de forages gaziers.

«Il n'y a pas de norme d'encadrement », dit Hélène Simard, responsable des relations avec les médias au ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP). « Mais même en l'absence de norme, le MDDEP peut exiger que des mesures soient prises, ajoute Mme Simard. Les impacts de l'utilisation de machinerie lourde font partie du processus d'analyse pour tout projet.»

C'est un trou de plus dans la réglementation applicable à l'industrie gazière.

La Presse a souligné récemment que les forages pétroliers et gaziers n'ont pas à faire l'objet d'une déclaration à l'Inventaire national des rejets polluants, du gouvernement fédéral. Cette exception date de 1992 et a été maintenue en 2002, avant l'apparition de l'industrie du gaz de schiste au Canada.

Cette exception a fait l'objet d'une plainte au Commissaire au développement durable fédéral de la part de trois groupes environnementaux, dont l'Association québécoise de lutte à la pollution atmosphérique (AQLPA).

«Depuis le début, nous disons qu'en l'absence de réglementation cohérente, on doit exiger un moratoire sur le gaz de schiste, dit André Bélisle, de l'AQLPA. On n'a aucun contrôle sur la pollution. Il n'y a pas suffisamment de stations de surveillance de la qualité de l'air dans la région.»

L'exploitation du gaz de schiste mobilise beaucoup plus d'équipements lourds que celle du gaz naturel traditionnel. Il faut beaucoup plus de puits pour obtenir la même quantité de gaz, et ces puits présentent une longue section horizontale. Les foreuses, alimentées par de puissants moteurs diesel, travaillent donc beaucoup plus longtemps.

Ensuite, il y a l'étape de la stimulation du puits, ou fracturation, particulière au gaz de schiste. Elle met en scène une série de camions-pompes qui injectent de l'eau, du sable et des produits chimiques sous haute pression. Tous ces compresseurs sont aussi alimentés par des moteurs diesel. La remontée de l'eau de fracturation peut aussi libérer les polluants.

Produits chimiques

Aux États-Unis, les populations côtoyant l'industrie gazière sonnent l'alarme à ce sujet depuis des années.

Encore la semaine dernière, un rapport colligé par un groupe de citoyens du Colorado et du Nouveau-Mexique faisait état de la présence de 22 produits chimiques toxiques dans l'air des régions où le gaz de schiste est exploité, dont quatre produits cancérigènes, comme le benzène et l'acrylonitrile.

Cette étude a été réalisée par des groupes de citoyens excédés par l'inertie des autorités, avec l'aide de l'organisme Global Community Monitor. Des taux de pollution dépassant par 3 à 3000 fois les normes gouvernementales ont été détectés.

«Nous avons travaillé avec des citoyens qui vivent à proximité de plates-formes de forage, de compresseurs, de raffineries et de bassins de résidus d'eau de forage, a expliqué en entrevue à La Presse Denny Larson, de Global Community Monitor. Nous n'avons pas été surpris de trouver des composés organiques volatils, comme le benzène, mais nous avons aussi trouvé des composés qui ne sont pas habituellement associés avec des gisements de pétrole ou de gaz, comme l'acrylonitrile et le dichlorométhane. Ce sont des produits qu'on ne trouve pas dans l'air normalement, à moins d'habiter à côté d'une usine chimique. Notre théorie est qu'ils font partie du liquide de fracturation.»

Une autre étude publiée l'automne dernier prévoyait que la pollution de l'air augmenterait dans toute la région du schiste de Haynesville, dont l'exploitation a débuté récemment. Le gisement situé à cheval sur la frontière du Texas et de la Louisiane est d'une taille comparable à celui d'Utica au Québec, bien que le nombre de forages prévus au Québec soit moins élevé.

Toutes ces informations ont fait réagir les autorités américaines. L'Agence de protection de l'environnement des États-Unis (EPA), l'équivalent du ministre de l'Environnement aux États-Unis, a annoncé de nouvelles réglementations.

À la fin juin, la directrice de l'EPA, Lisa P. Jackson, participait à un forum sur la protection de la santé publique au Colorado, où deux gisements de gaz de schiste sont en exploitation. «Vous allez avoir des problèmes de smog là où il n'y en avait jamais eu avant, a-t-elle dit, rapporte l'Aspen Daily News. Ce sont des zones rurales. Il y a beaucoup d'activité autour de ces puits et cela a un impact sur la qualité de l'air. L'EPA va bientôt proposer une réglementation au sujet de la qualité de l'air autour des zones de production de gaz naturel.»