L'industrie ne pourra peut-être plus affirmer qu'il n'y a aucun cas prouvé de contamination des nappes phréatiques attribuable à l'extraction du gaz de schiste.

L'Agence de protection de l'environnement des États-Unis (EPA) a publié récemment des résultats d'analyse qui montrent que des produits chimiques employés dans les fluides de fracturation ont trouvé leur chemin jusque dans des puits d'eau potable au Wyoming.

Les analyses ont été faites dans la région de Pavillion, où les résidants se plaignent depuis longtemps d'effets néfastes de l'industrie sur l'environnement et la santé.

Selon une présentation de l'EPA diffusée sur le web le 9 novembre, sur 28 puits analysés, 10 contenaient du méthane d'une signature similaire à celle du gaz produit.

Du phosphate de tri (butoxyéthyle) a été trouvé dans neuf puits. C'est un liquide huileux et jaunâtre qui sert d'agent antimousse. Selon la CSST, ce produit est irritant et neurotoxique et il est absorbé par la peau et les voies digestives.

L'EPA a aussi observé des phénols et du naphtalène. De plus, des produits associés normalement au diesel ou à l'essence sont très répandus dans les puits.

La principale entreprise dans le secteur est la gazière canadienne EnCana, qui n'a pas rappelé La Presse hier.

La présentation de l'EPA ne tire pas de conclusion, mais un rapport complet est attendu pour la fin du mois de novembre.

Selon l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ), «il est évidemment prématuré pour quiconque de tirer des conclusions avant même que l'enquête soit terminée».

«L'APGQ suit avec grand intérêt l'enquête actuellement menée par l'EPA sur le sujet, dit Stéphane Gosselin, directeur général de l'Association. Par ailleurs, je réitère que l'APGQ prône que le gouvernement du Québec adopte un encadrement et une règlementation efficace et adaptée de l'exploitation du gaz naturel pour assurer la protection de tous les Québécois et de leur environnement.»

Le gaz de schiste est extrait en injectant de l'eau, du sable et des produits chimiques sous haute pression dans le gisement afin de faire éclater la roche et libérer le gaz, procédé appelé fracturation hydraulique.

Aux États-Unis, l'industrie gazière a affirmé devant le Congrès et sur toutes les tribunes qu'aucun cas de contamination des eaux souterraines ne peut être attribué à la fracturation hydraulique, une affirmation reprise plus tôt cette année par la directrice de l'EPA, Lisa P. Jackson.

Selon l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), le cas de Pavillion est une raison de plus de fermer la porte à l'industrie au Québec. «Ce qu'on dit depuis le début, c'est que les problèmes n'apparaissent pas instantanément, dit André Bélisle, président de l'AQLPA. Pour nous, la morale, c'est plus de fracturation au Québec et moratoire total.»

Selon Marc Durand, ingénieur en géologie appliquée, l'analyse de l'EPA à Pavillion ajoute une «évidence plus directe» de contamination. Mais selon lui, il faut être sceptique devant les affirmations rassurantes de l'industrie.

«Les sociétés ont fait bien attention d'étouffer presque tous les cas dès qu'ils deviennent manifestes, par des ententes de confidentialité, dit-il. Mais il semble bien qu'elles commencent à en laisser échapper quelques-uns, dont ceux de Pavillion. Il y en aura bien d'autres, car l'EPA a récemment changé un peu sa politique précédente, laquelle était très peu critique envers l'exploitation du gaz de schiste.»