Le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP), Pierre Arcand, dit prendre «très au sérieux» les premiers indices de contamination de l'eau souterraine par un puits de gaz de schiste.

Il affirme toutefois que ce cas de migration de gaz dans la nappe phréatique reste «hypothétique» en attendant des détails supplémentaires.

Samedi, La Presse a révélé l'existence d'un test mené par un expert albertain pour le compte d'une société d'exploration gazière non nommée.

M. Arcand a fait savoir par courriel à La Presse qu'il a «ordonné aux fonctionnaires du MDDEP de s'enquérir du lieu où les échantillons ont été prélevés et pour connaître le nom de la société qui [...] a fourni les échantillons».

Même signature chimique

Ce test indique que du gaz capté dans une nappe d'eau souterraine au Québec a la même signature chimique que le gaz recueilli dans le gisement, à plus de 1000 mètres plus bas. Il a été réalisé par le professeur Karlis Muehlenbachs, de la faculté des sciences de la Terre et de l'atmosphère à l'Université d'Edmonton, qui a dévoilé ses résultats lors d'un colloque à Washington en novembre.

M. Muehlenbachs affirme que les tests de «profil isotopique» qu'il réalise permettent d'établir précisément l'origine du gaz en vérifiant le taux de carbone-13 dans ses molécules.

Selon lui, soit le gaz a trouvé un chemin par une faille naturelle après la fracturation du puits, soit il est remonté le long du tubage du puits à cause d'une mauvaise cimentation, soit il s'y trouvait déjà naturellement.

Une explication humaine

Cette dernière hypothèse ne peut être écartée parce qu'on ne détient pas les données de base sur la signature chimique du gaz dans les eaux souterraines au Québec.

Cependant, M. Muehlenbachs penche pour une explication humaine plutôt que naturelle. «Du point de vue géologique, le schiste s'est scellé il y a 300 millions d'années, dit-il. Et puis l'homme est intervenu.»

Tout comme le MDDEP, La Presse s'est heurtée au refus du chercheur de divulguer le nom de la société qui lui a fourni les échantillons.

En entrevue la semaine dernière, le MDDEP a indiqué qu'un nouveau règlement prévoyait la transmission d'informations au sujet des forages gaziers. En vertu de ce règlement, des sociétés ont fourni au Ministère certains profils isotopiques, mais pas ceux de M. Muehlenbachs.

Scott McKay, porte-parole de l'opposition officielle en matière d'environnement, croit que le ministre et ses fonctionnaires doivent se faire insistants. «Le ministre Arcand doit assumer pleinement sa responsabilité de protéger l'environnement des Québécois, dit-il. Il doit savoir de quel puits on parle et faire ses vérifications.»

La semaine dernière, Charles Lamontagne, hydrogéologue au MDDEP, a affirmé à La Presse qu'il serait utile qu'une étude du profil isotopique des eaux souterraines soit faite pour l'ensemble du territoire visé par l'industrie gazière.

M. Muelhenbachs estime que c'est particulièrement souhaitable au Québec, qui n'a pas une longue histoire de forages pétroliers et gaziers. «L'eau souterraine au Québec est encore dans son état d'origine», a-t-il dit.

Le comité de l'EES décidera

Mais le ministre Arcand considère que la technique d'analyse employée par M. Muehlenbachs, bien que «prometteuse», en est «seulement à l'étape du développement scientifique» et doit encore être «validée par la communauté scientifique».

Selon M. Arcand, il revient au Comité de l'évaluation environnementale stratégique (EES) sur les gaz de schiste de décider si cette étude doit être faite ou non.

M. McKay croit toutefois que le MDDEP doit prendre l'initiative. «Le Ministère semble avoir délégué ses responsabilités au comité de l'EES, alors que ça ne devrait pas être le cas», dit-il.