Le gouvernement fédéral cerne toujours mal les risques liés à l'exploitation des sables bitumineux, a affirmé le commissaire fédéral à l'environnement dans un rapport rendu public hier matin.

«Nous avons conclu que des lacunes dans les données de base sur l'environnement et dans les mécanismes de surveillance des données environnementales nécessaires pour comprendre l'évolution des conditions du milieu dans le nord de l'Alberta ont entravé la capacité de Pêches et Océans Canada ainsi que celle d'Environnement Canada», a déclaré le commissaire Scott Vaughan dans son étude en deux temps présentée à Ottawa.

Le commissaire Vaughan se dit néanmoins «encouragé par les engagements que le gouvernement a pris à la suite des travaux menés par le groupe consultatif sur les sables bitumineux».

Son rapport fait écho à plusieurs critiques sévères de scientifiques reconnus, qui reprochent au gouvernement fédéral d'autoriser tous les projets de mines sans tenir compte de leur impact cumulatif. Plusieurs s'inquiètent de la pollution engendrée par les mines d'extraction de bitume, du raffinage et de l'entreposage des rejets dans d'immenses bassins à ciel ouvert.

En réaction à ces critiques répétées, le ministre fédéral de l'Environnement, Peter Kent, a annoncé en juillet qu'une vaste étude sur les impacts cumulatifs de l'industrie serait lancée. Cette initiative a été critiquée parce qu'elle n'était pas accompagnée d'un moratoire sur les nouveaux projets.

Le rapport du commissaire est publié alors que le débat sur le projet de pipeline Keystone XL s'intensifie des deux côtés de la frontière. Ce pipeline doit acheminer le pétrole extrait des sables bitumineux vers des raffineries du sud des États-Unis. Cette semaine, le New York Times a demandé au gouvernement américain de rejeter ce projet, entre autres à cause des impacts négatifs de l'industrie des sables bitumineux sur la forêt boréale.

Par ailleurs, l'industrie pétrolière canadienne s'est aussi fait attaquer de l'autre côté de l'Atlantique: l'Union européenne a proposé à ses États membres hier de limiter leur utilisation du pétrole tiré des sables bitumineux et du gaz de schiste argileux. La proposition vise à mettre un plafond aux émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à l'extraction du pétrole utilisé là-bas. Elle ne fait toutefois pas l'unanimité des 27 commissaires.

Pas de grande surprise

À Ottawa et dans les milieux environnementaux, hier, le rapport a provoqué de nouvelles critiques contre le gouvernement Harper. Mais ses conclusions ne semblent avoir surpris personne. D'autant plus que sa première partie, qui portait sur les plans de mise en oeuvre du protocole de Kyoto, conclut à l'impossibilité pour le Canada de respecter son engagement de réduction d'émissions de GES d'ici à 2012. «J'ai des doutes que le Canada atteigne les cibles de l'accord de Copenhague et de Cancún», a ajouté Scott Vaughan.

«Le gouvernement n'a pas pris ses responsabilités. Il n'a pas présenté de vrai plan pour l'environnement et nous voyons les tristes résultats aujourd'hui», a réagi la chef intérimaire de l'opposition officielle, Nycole Turmel.

À la Chambre des communes, le ministre de l'Environnement, Peter Kent, s'est réjoui du fait que le commissaire Vaughan s'est dit encouragé par les récents efforts de son gouvernement; il a en retour accusé le NPD de mettre l'économie canadienne en péril. «Notre gouvernement travaille pour garantir que les générations canadiennes à venir aient de l'eau propre à boire et de l'air propre à respirer», a-t-il ajouté.

«Le gouvernement fédéral n'a toujours pas de structure de gestion solide en place pour atteindre ses objectifs ou mesurer adéquatement l'efficacité de ses mesures et de ses dépenses, a quant à lui déploré le groupe environnemental Pembina. C'est une recette pour un échec continu.»

Le Commissariat à l'environnement et au développement durable est une branche du bureau du Vérificateur général du Canada. Le commissaire est un analyste indépendant des mesures fédérales qui fait rapport au Parlement.