Une dizaine de députés et sénateurs de toutes les allégeances politiques se sont réunis au restaurant du Parlement, mercredi midi, pour partager un repas de viande de phoque, venant ainsi à la défense d'une industrie mal comprise et menacée de boycott.

À l'initiative de la sénatrice libérale Céline Hervieux-Payette, la ministre des Pêches et Océans, Gail Shea, s'est ainsi retrouvée assise à la même table que les porte-parole de l'opposition.

«C'est un commentaire très étrange, mais je voudrais remercier mes critiques pour leur appui», a d'entrée de jeu affirmé la ministre, à l'endroit du bloquiste Raynald Blais, du libéral Gerry Byrne, et du néo-démocrate Peter Stoffer.

«Le fait qu'on se retrouve avec de la viande de phoque, ici, au menu, ça témoigne de la solidarité possible dans ce dossier-là», a pour sa part indiqué M. Blais, qui représente la Gaspésie et les Iles-de-la-Madeleine aux Communes.

Des élus provinciaux du Québec, du Nunavut et de Terre-Neuve-et-Labrador étaient également présents.

La sénatrice Hervieux-Payette a expliqué qu'elle souhaitait, grâce à cet événement, montrer aux travailleurs l'appui du Parlement, mais aussi au monde entier que les législateurs canadiens ne reculeront pas et ne modifieront pas la loi.

«Le but c'est de donner d'abord un appui unanime, ou quasi-unanime, des parlementaires canadiens à des travailleurs qui travaillent de façon acharnée depuis des années, pas des décennies même je dirais des millénaires que l'on fait de la chasse aux phoques sur les côtes», a souligné la sénatrice.

La veille, son collègue libéral, le sénateur Mac Harb, déposait pour une deuxième fois à la Chambre haute son projet de loi visant à interdire la chasse commerciale aux phoques. Présenté une première fois en mars 2009, le texte était mort dans l'oeuf puisqu'il n'avait reçu l'appui d'aucun sénateur.

Mais la position du sénateur Harb n'est que minoritaire au sein du Parlement, selon la sénatrice Hervieux-Payette.

«Il y a une personne parmi 400 parlementaires qui n'est pas d'accord», a-t-elle rétorqué.

«Il y a trois provinces et tous les partis à Ottawa qui s'entendent: c'est presque une première», a-t-elle lancé à la blague.

Les chefs du Parti libéral, Michael Ignatieff, et du Bloc québécois, Gilles Duceppe, ont fait acte de présence. Venu goûter de la viande de phoque pour la première fois, M. Ignatieff a estimé que l'Union européenne comprenait mal cette industrie.

L'été dernier, le Parlement européen a voté massivement pour interdire sur son territoire le commerce de produits issus de la chasse commerciale au phoque. Une décision qui aurait fait perdre aux chasseurs plus du quart de leurs marchés, selon les estimations de Pêches et Océans pour l'année 2009.

Le gouvernement fédéral conteste cet embargo devant l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

La chasse aux phoques est pratiquée par les communautés côtières des provinces maritimes et du Québec, de même que par les populations inuites et autochtones du nord du pays.

«Contrairement à ce que prétendent les militants contre la chasse aux phoques, les phoques sont une ressource abondante au Canada (...) En plus de fournir de la fourrure et une viande nutritive, les phoques sont également une source précieuse d'huile riche en Omega-3», a fait valoir la ministre Shea, tentant tant bien que mal de contrer la «désinformation» des groupes de pression animalistes.

Mais au moment même où les parlementaires s'assoyaient à table pour déguster terrines, rillettes et longe de phoque bardée de bacon, une poignée de manifestants dénonçaient la chasse devant le Parlement.

La porte-parole des huit protestataires, qui disait représenter la majorité des Canadiens, a estimé que cette activité unique n'était rien de plus qu'un coup de publicité, afin de séduire l'électorat des Maritimes.

«C'est juste un spectacle pour offrir de la publicité à certains sénateur et politiciens. Et nous disons les choses comme elles sont: ceci ne s'adresse pas à la chasse commerciale au phoque et cela n'aidera pas les chasseurs de phoques ou les pêcheurs», a déploré Sheryl Fink, du Fonds international pour la protection des animaux (IFAW).

Les parlementaires ont toutefois assuré que la viande de phoque serait ajoutée au menu du restaurant parlementaire dès qu'elle sera disponible, selon le rendement de la saison de chasse.

Photo: PC

Un exemple des bouchées à base de viande de phoque servies aux parlementaires à Ottawa.