Le gouvernement du Québec est toujours «dans une période d'étude, pas de décision», après la diffusion lundi d'un rapport officiel qui ouvre la porte aux forages pétroliers et gaziers dans la plus grande partie du golfe du Saint-Laurent, en dépit de plusieurs lacunes dans les connaissances sur cet écosystème.

Selon l'imposant rapport d'étude préliminaire réalisé par la firme Genivar, des forages pourraient aller de l'avant dans des zones jugées de «faible sensibilité».

Ces projets devraient être autorisés après le dépôt d'une étude d'impact environnemental et pourraient être soumis au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE).

À ce sujet, le ministre du Développement durable et de l'Environnement, Pierre Arcand, rappelle que le gouvernement est «dans une période d'étude, pas de décision». «Vous savez, les études sont là pour être consultées, mais ce ne sont pas les consultants qui décident pour le gouvernement», a-t-il dit.

De son côté, le ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Clément Gignac, a fait savoir qu'il était maintenant temps de «laisser les gens se prononcer». Il attend la version définitive du rapport pour le commenter.

Les consultations sur le web sont déjà ouvertes. Les séances publiques débutent dans deux semaines et dureront jusqu'au 2 décembre.

Les conclusions préliminaires de Genivar diffèrent de celles concernant l'estuaire du Saint-Laurent. Pour cette zone située entre l'île d'Orléans et la pointe ouest de l'île d'Anticosti, on avait conclu que les risques étaient trop élevés et le gouvernement avait décrété en 2010 un moratoire permanent sur les forages.

En revanche, la partie québécoise du golfe fait l'objet d'un moratoire temporaire devant durer jusqu'à la fin de l'étude menée par Genivar. L'ancienne ministre des Ressources naturelles et de la Faune Nathalie Normandeau s'attendait à ce qu'une décision soit prise à cet égard en 2012.

Les consultants que Québec a embauchés ouvrent donc la porte aux forages dans une zone jugée de «faible sensibilité». En gros, cette zone se trouve immédiatement au sud et à l'est d'Anticosti et représente 57% de la superficie étudiée. Les côtes de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine sont entourées de zones de sensibilité moyenne ou forte dans un rayon d'une cinquantaine de kilomètres et le détroit entre Anticosti et la Côte-Nord est presque entièrement exclu.

Les aires sensibles retenues sont «les aires légalement protégées, les habitats fauniques d'intérêt ou particuliers... les territoires d'utilisation importante (pêcheries, aquaculture) et le paysage», précise-t-on dans le résumé de l'étude.

Genivar propose d'aller de l'avant même si plusieurs lacunes sont relevées. Par exemple, les «méthodes de récupération des hydrocarbures lorsqu'il y a présence de glaces» ne sont pas définies.

On manque aussi de «données générales (comportement, répartition) de l'utilisation saisonnière du golfe du Saint-Laurent par la faune marine» et sur la «localisation d'aires de reproduction et d'alevinage pour certaines espèces piscicoles d'intérêt commercial».

Le document souligne également les lacunes sur les «effets des déversements accidentels en pleine mer, dans un environnement marin comme celui du golfe du Saint-Laurent», y compris «sur la santé publique».

Le ministre Arcand refuse toutefois de dire que Genivar met la charrue devant les boeufs en parlant de forage alors qu'un moratoire est encore en vigueur.

Le ministre a lu la synthèse du rapport, mais il n'a pas encore étudié le document en profondeur.

Il rappelle que le gouvernement «doit prendre son temps». «Ce qui reste à être démontré, c'est à quel point cela affectera cette aire très fragile. On doit en savoir plus sur l'impact que ça pourra avoir, et c'est pourquoi mon collègue [Clément] Gignac commande ces études.»

Le député libéral des Îles-de-la-Madeleine, Germain Chevarie, se montre inquiet. «Il faut réfléchir à toutes les conséquences qu'un développement, une exploration ou une exploitation pourraient avoir sur l'environnement, la vie maritime et la vie des Madelinots et des citoyens des autres provinces. Mais il faut aussi regarder les impacts positifs», nuance-t-il.

«À la suite de cette réflexion, de l'analyse et de la consultation citoyenne, on pourra prendre une décision éclairée», croit-il.