Les entreprises industrielles qui puisent l'eau des lacs et rivières du Canada devraient payer pour chaque mètre cube qu'elles utilisent, affirme un groupe de recherche chargé de conseiller les gouvernements en matière de développement durable.

Les sociétés qui utilisent l'eau à des fins industrielles ont fait des progrès au cours des dernières années pour réduire leur consommation, constate la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, dans un rapport publié jeudi. Le comité, constitué de gens d'affaires et de chercheurs choisis par le gouvernement, estime toutefois qu'il faut en faire davantage pour assurer la pérennité des réserves du pays.

Les entreprises qui exploitent les ressources naturelles puisent à elles seules 86% de l'eau consommée au pays, révèle le document. Et ce pan majeur de l'économie est appelé à croître de manière importante d'ici à 2030.

Cette croissance amènera de plus en plus de sociétés à s'alimenter dans les cours d'eau. C'est surtout vrai dans les secteurs de l'agriculture et de l'exploitation pétrolière et gazière.

La Table prévoit que les prélèvements d'eau vont augmenter de manière somme toute modeste au cours des prochaines années. Mais les lacs et rivières risquent d'être beaucoup plus sollicités dans certaines régions, notamment dans l'Ouest, où sont exploités les sables bitumineux.

L'imposition d'un tarif modeste sur l'eau inciterait les entreprises à réduire leur consommation, estime le président de l'organisme, David McLaughlin, ancien chef de cabinet du ministre des Finances Jim Flaherty.

«En imposant un tarif qui n'est pas tellement élevé, entre 5 cents et 10 cents par mètre cube d'eau, on pourrait réduire la consommation d'eau de 20%», a-t-il expliqué en entrevue.

À terme, le groupe suggère de mettre sur pied un marché de permis d'utilisation de l'eau, dans lequel des entreprises pourraient échanger des droits de prélèvement.

Il propose aussi de constituer des données fiables et accessibles sur l'utilisation industrielle de l'eau.

Le gouvernement Harper dit prendre la préservation de l'eau au sérieux. Il s'est d'ailleurs doté d'un plan d'action de 96 millions au cours des dernières années. Mais la tarification, dit le ministre de l'Environnement, Peter Kent, n'est pas de son ressort.

«La plupart des recommandations de la Table ronde s'adressent aux provinces et aux territoires, a-t-il indiqué. Le gouvernement du Canada travaille avec ces provinces et territoires sur un large éventail de dossiers qui touchent l'eau.»

Le Nouveau Parti démocratique souhaite cependant que le fédéral intensifie sa collaboration avec les provinces dans ce domaine.

«On parle beaucoup du grand potentiel d'eau douce que nous avons au Canada, mais cette eau peut s'utiliser très rapidement», affirme le député Guy Caron, critique du parti en matière de ressources naturelles.

Il fait valoir que l'exploitation des sables bitumineux dans l'Ouest entraîne un défi majeur pour la gestion de l'eau. Pour chaque baril de pétrole produit à partir de cette ressource, l'industrie utilise trois barils d'eau.

Le député libéral Francis Scarpaleggia a pour sa part exprimé des réserves sur la création d'un système d'échange des droits d'exploitation de l'eau. Il craint qu'un tel marché n'incite les détenteurs de permis à exporter l'eau.

«L'idée de créer un marché d'échange de permis, ce serait un projet très long et complexe, a-t-il dit. Et il faut faire attention de ne pas, avec un tel système, en arriver à privatiser l'eau.»

Il déposera la semaine prochaine un projet de loi sur l'exportation de l'eau.