La confusion s'accroît au sujet du Plan Nord. En conférence hier, le ministre délégué aux Finances, Alain Paquet, a d'abord affirmé que les projets industriels au nord du 49e parallèle seraient soumis au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE), avant de se raviser.

«Le BAPE va s'appliquer partout dans le Nord», a dit le ministre Paquet, qui participait à un colloque avec Martine Ouellet, du Parti québécois, et Amir Khadir, de Québec solidaire.

Ils étaient invités par le groupe étudiant Humaniterre, de HEC Montréal.

Plus tard, M. Paquet s'est vu contredire par un participant du public. À la fin de la conférence, devant les journalistes, il a reformulé ses propos. «On souhaite l'acceptabilité sociale pour ces projets avec les communautés locales», a-t-il dit.

En fait, une modification à la Loi sur les mines proposée par le Parti québécois et d'autres groupes, puis acceptée par le Parti libéral, aurait pour effet d'étendre la compétence du BAPE à tous les projets miniers. Actuellement, seuls ceux qui excèdent 7000 tonnes par jour sont visés, et ce, partout au Québec. Mais ce projet de réforme de la Loi sur les mines est toujours à l'étude.

Le vaste territoire visé par la Convention de la Baie-James et du Nord québécois n'est pas non plus assujetti au BAPE, mais plutôt à un comité d'examen particulier.

Le premier projet emblématique du Plan Nord, le prolongement de la route 167 vers les monts Otish, n'est pas soumis au BAPE non plus, car il s'agit d'une route à deux voies. La route desservira la future mine de diamants Stornoway, dans laquelle Investissement Québec détient une participation de 37%.

Dans ce cas, on ne peut pas dire que le projet se fait totalement en accord avec les communautés, comme le souhaite M. Paquet. Quatre maîtres de trappe cris sont devant les tribunaux pour empêcher Québec et le conseil de bande de Mistissini de commencer le déboisement en vue de cette construction.

En outre, un projet de mine d'uranium dans les monts Otish, qui serait desservi par cette route, n'a toujours pas l'assentiment des Cris de Mistissini.

«Il y a un besoin pour ce projet [de route]», répond à ce sujet M. Paquet.

Le ministre affirme aussi que, en principe, «quand une entreprise va profiter de 100% des infrastructures, elle va payer 100% des coûts». Or, pour l'instant, la mine Stornoway serait la seule à profiter de la route 167 mais ne versera que 40 millions de dollars à l'État, alors que la route coûtera plus de 300 millions.

On s'attend cependant à ce que quatre autres projets versent 50 millions chacun, dont la mine d'uranium.

Plus tôt dans ses interventions, M. Paquet avait souligné que cette route donnerait aussi accès à un futur parc national.

Dans l'assistance, le metteur en scène Dominic Champagne, qui participe au débat sur les ressources naturelles depuis deux ans, n'a pas cru les explications de M. Paquet. «Vous dites: "On va faire une route pour donner accès à un parc", a-t-il dit. Trouvez autre chose.»

«On veut faire payer aux contribuables les infrastructures pour des compagnies multinationales qui viennent chercher le minerai quasiment gratuitement, a dit de son côté Martine Ouellet, critique du Parti québécois en matière de mines. C'est pire qu'à l'époque de Duplessis.»

M. Paquet a rétorqué que, avec les récents changements au régime des redevances minières, le gouvernement touche maintenant 41% des profits miniers sur son territoire. En 2010, les mines du territoire québécois ont déclaré des profits de 1,9 milliard de dollars, et l'État a perçu 800 millions. Le projet de mine d'or d'Osisko, à Malartic, devrait quant à lui rapporter au total 3,2 milliards au gouvernement et 4,5 milliards aux actionnaires.

Mais cela n'a pas rassuré le député Amir Khadir, qui dénonce les stratégies d'évitement fiscal des sociétés minières. «Il n'y aura pas de développement durable du secteur sans lutte contre l'évasion et l'évitement fiscaux», a-t-il dit.

Mme Ouellet estime pour sa part, qu'avec des prix élevés des métaux comme actuellement et selon les chiffres de Tata Steel, les plus récents investissements miniers de la société Arcelor Mittal, dans les gisements de fer de la Côte-Nord, se remboursent en deux ans. Elle conclut qu'il y a une bonne marge de manoeuvre pour être plus exigeant avec l'ensemble de l'industrie. «Actuellement, on perd de 3 à 4 milliards par année en redevances qu'on pourrait aller chercher», dit-elle.