Malgré l'absence de débat public sur la question, les villes de la région de Montréal semblent déjà avoir pris la décision de cesser d'enfouir leurs déchets afin de les transformer plutôt en énergie.

Voilà la conclusion à laquelle en arrivent les groupes écologistes qui ont assisté avec déception, hier, au colloque international sur le traitement des déchets piloté par la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).

 

Alors que l'on promettait d'y aborder «les meilleures pratiques de traitement et de valorisation des matières résiduelles», toute la discussion a plutôt tourné autour de la gazéification, ont déploré le Conseil régional de l'environnement de Montréal (CRE-Montréal), Action RE-buts et le Front commun québécois pour une gestion écologique des déchets (FCQGED).

«Au fond, on voit bien que l'orientation de la région de Montréal est déjà prise», se désole Coralie Deny, du CRE.

Le coeur du débat est le suivant: que faire avec les déchets non recyclés, qui sont aujourd'hui envoyés en grande quantité au dépotoir?

La CMM répond qu'un virage technologique s'impose, afin de brûler les déchets et ainsi les transformer en gaz de synthèse, en électricité ou en biodiesel. Cette solution aurait l'avantage de mettre fin à l'enfouissement dès 2025, mais elle serait très coûteuse: 1 milliard de dollars, une facture que l'on espère payée à 85% par Québec.

Dans les coulisses, on soutient que la gazéification est devenue en quelque sorte incontournable dans un contexte où la population s'oppose à tout projet de création ou d'agrandissement de dépotoirs. Que faire, donc, dans un contexte où la quantité de déchets produits augmente?

Valoriser énergétiquement les déchets, ont ainsi répondu, hier, des entreprises comme Enerkem, Plasco et Plasma Research qui ont, tour à tour, présenté les bénéfices de leur technologie respective. Devant un parterre composé d'élus municipaux et de représentants de l'industrie, ils ont notamment fait valoir l'innocuité de leur processus d'un point de vue environnemental.

Absolument pas convaincus, les écologistes rétorquent plutôt qu'il faut intensifier les programmes de récupération et étendre le compostage à tous les foyers. Ainsi, disent-ils, on fait un choix sensé d'un point de vue environnemental, tout en s'assurant de récupérer les matières plutôt que de les éliminer à tout jamais.

«Les ressources sont de plus en plus rares sur la planète. Or, si tout le monde se mettait à la gazéification des déchets, ne ferait-on pas justement disparaître d'importantes ressources?» a demandé Mme Deny.

Les inquiétudes du milieu environnemental viennent notamment du peu de données objectives auxquelles il a accès. Voyant dans la gazéification une version moderne de l'incinération, ils demandent qu'une vaste réflexion précède toute décision, qui aurait en outre des conséquences pendant plusieurs décennies.

«Le principe de précaution s'impose, puisqu'il nous manque l'avis d'experts indépendants pour mesurer les impacts écologiques de cette technologie soutenue par les géants de l'industrie», estime Julien Lasserre, d'Action RE-buts.

«Ce qu'il y a d'assez incroyable, c'est qu'il y a à peine un an, personne ne parlait de ces nouvelles technologies qui nous sont présentées aujourd'hui comme nécessaires, s'est exclamé Karel Ménard, du FCGED, une coalition de 90 groupes. Or, dans les faits, on n'en sait que très peu. L'information qui circule ne semble pas toujours être d'une rigueur à toute épreuve, surtout sur le plan environnemental.»

Le colloque, organisé en marge des Entretiens Jacques Cartier, se poursuit aujourd'hui.

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