Signe que l'enjeu environnemental change les habitudes à Laval, siège de nombreuses batailles entre promoteurs immobiliers et écologistes, un nouveau projet immobilier tentera d'attirer à la fois des humains et des tortues.

«Nous avons tout fait pour éviter des erreurs environnementales, dit John Garabedian, promoteur du projet, le Domaine des berges de Sainte-Dorothée. On savait au départ qu'il y avait des milieux humides sur le terrain. On les préserve et on crée un étang qui coûte à lui seul 1 million.»

 

Même avec un ensemble de mesures coûteuses, le succès écologique complet du projet de résidences de luxe en bordure de la rivière des Prairies n'est pas garanti. La tortue géographique, l'espèce qui a le plus besoin de protection dans la région, risque fort d'éviter le coin.

La présence de tortues géographiques est confirmée «aux environs du site» par le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP), qui a tout de même autorisé le projet, parce qu'il «respecte toutes les normes».

Le MDDEP souligne que dans son état actuel, le terrain situé à l'ouest de l'autoroute 13 présente «un intérêt écologique faible» parce que «colonisé par une végétation commune, voire envahissante». Le projet protège le principal milieu humide du terrain et son aménagement permettra «d'augmenter la biodiversité».

M. Garabedian ajoute qu'aucun remblai n'est prévu, contrairement aux deux projets voisins, dont les maisons perchées sur des talus artificiels de deux ou trois mètres ont soulevé la controverse. Des ponceaux permettront d'enjamber le ruisseau qui traverse le terrain. Toutes ces mesures font doubler le prix des infrastructures, dit M. Garabedian.

Mais qu'en est-il des tortues?

Avec ses 80 kilomètres de berges, l'île Jésus a de quoi plaire à l'humain... et à la tortue. Trois espèces de tortues vivent dans les eaux autour de Laval, y compris la tortue géographique, désignée comme vulnérable par le gouvernement du Québec.

Les concepteurs du Domaine des Berges ont inclus une «île à la tortue» et des plages propices à la reproduction dans leur étang.

Mais il y a peu de chances que la tortue géographique adopte ce nouvel environnement. «C'est une espèce très farouche et plutôt difficile à approcher», précise-t-on au ministère des Ressources naturelles et de la Faune.

Robert Bisson, biologiste au parc de la Rivière-des-Mille-Îles, à Laval, peut en témoigner. «À partir du moment où on construit des maisons, la tortue géographique va aller ailleurs, dit-il. En canot, quand on arrive à 30 mètres, elle saute à l'eau.»

En revanche, ajoute M. Bisson, il se peut qu'une autre espèce, la tortue peinte, adopte l'étang du Domaine des Berges. Mais cette espèce est très commune. «Il y a un cas comme ça à Terrebonne, dit M. Bisson. Il y a des tortues peintes dans un étang en plein milieu d'un quartier résidentiel.»

Le projet Domaine des Berges est soumis à une modification de zonage présentée ce soir au conseil municipal de Laval.

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