Un nouvel oiseau y est repéré tous les ans et un mammifère tous les quatre ans: l'Amazonie péruvienne est un foyer de biodiversité, mais ces découvertes peuvent paradoxalement représenter un danger pour ces animaux, car elles sont souvent dues à la déforestation.

Connu comme un pays andin, le Pérou est en fait à plus de 60% amazonien. C'est le havre de 25 000 variétés de plantes - 10% de l'herbier mondial -, le deuxième pays pour les espèces d'oiseaux (1800) et il figure dans les cinq premiers pour les mammifères (515) et reptiles (418).

Ces dernières années, sa population s'est enrichie d'une minigrenouille à tête de feu et pattes bleues (Ranitomeya amazonica), d'un oiseau-mouche à la gorge violette (Heliangelus viola) ou encore d'une «sangsue tyrannosaure» à huit dents (Tyrannobdella reina).

Selon le Fonds mondial pour la nature (WWF), plus de 1200 espèces nouvelles de plantes ou animaux ont été découvertes en 10 ans dans l'Amazonie.

Mais «la majorité de ces découvertes ne se produisent pas lors d'expéditions scientifiques, souvent coûteuses: elles le doivent à l'activité de chantiers d'exploration d'entreprises pétrolières, minières, ou d'exploitation forestière», relève Michael Valqui, du WWF-Perou.

Aussi, paradoxalement, «ce type de découverte met au même moment en péril immédiat l'espère qui se découvre, dans un lieu qui est son unique habitat».

Le Pérou, l'un des pays comptant la plus grande surface forestière (700 000 km2), est aussi un aimant pour l'industrie minière: le nombre de concessions octroyées y a doublé depuis 2006 jusqu'à couvrir 16% du territoire, selon l'Observatoire des conflits miniers.

Parallèlement, le pays se targue, comme à la récente Convention sur la diversité biologique (CBD) de Nagoya, d'être à la pointe de la conservation, avec 15% du territoire classé en aires protégées. «Et nous visons 30%», affirme le ministre de l'Environnement Antonio Brack.

C'est pour la biodiversité et les espèces en marge de ces aires que les écologistes s'inquiètent.

«Nous manquons de signaux clairs pour dire ce que le pays entend faire en terme de défense de sa biodiversité», estime Ivan Lanegra, responsable de l'Environnement à l'influent Office du médiateur public.

«Génétiquement, une entreprise minière ou d'hydrocarbures n'est pas en soi destructrice, la clef est si elle est "propre" ou pas», souligne Gérard Hérail, de l'Institut de recherche et développement de Lima.

Ernesto Raez, directeur du Centre pour l'Environnement durable de l'Université Cayetano Heredia de Lima, rappelle que «le nombre d'espèces qui disparaissent dans le monde est supérieur au nombre d'espèces découvertes. Autrement dit, des espèces disparaissent avant qu'on les découvre».

Pour l'IRD pourtant, «bien plus qu'il y a 10-15 ans, le contexte permet de dessiner des stratégies de conservation de la biodiversité», comme celle menée avec succès sur le poisson amazonien, le païche (Arapaima gigas).

Mais au Pérou, 21 espèces restent en «danger critique» d'extinction selon un décret de 2004, comme le chinchilla à queue courte (Chinchilla brevicaudata) ou la chauve-souris à oreilles épointées (Tompoeas ravus). Le rat aux oreilles en feuilles (phyllotis andinum) aurait déjà disparu.

Le Gecko de Lima (Phyllodactylus sentosus), un minuscule lézard nocturne lui aussi menacé, illustre la relation parfois complexe entre conservation et menace, souligne Valqui.

Le gecko a pour habitat les recoins obscurs des «huacas», sépultures ou sites sacrés préhispaniques dont Lima et la côte regorgent. «Mais le travail d'entretien des archéologues, crucial pour la conservation, est précisément ce qui détruit l'habitat» du gecko et provoque sa perte.