Eden d'une prodigieuse biodiversité, l'archipel des Philippines abrite des milliers d'espèces animales et végétales uniques au monde. Mais la déforestation et les trafics font peser une menace croissante sur leur préservation.

Le cacatoès philippin, l'aigle mangeur de singes, le Tamaraw -un buffle d'eau nain dont il ne subsiste que 200 spécimens-, mais aussi des crocodiles, des lézards et d'innombrables fleurs ne se rencontrent que dans cet immense jardin tropical cerné de récifs coralliens.

Avec plus de 53 000 espèces recensées, les Philippines font partie des 17 pays de la «megadiversité» où vivent les deux tiers des espèces animales de la planète, selon le classement de l'ONG Conservation International.

Mais leur fabuleux patrimoine est aussi l'un des plus menacés.

«Un cinquième de nos grandes espèces fauniques aura disparu dans 20 ans si nous ne faisons rien», s'alarme Theresa Mundita Lim, directrice de l'Agence publique des réserves et de la vie sauvage, estimant qu'il faut commencer par sanctuariser leur habitat naturel.

Les Philippines ont déjà sacrifié 93% de leurs forêts primitives au profit du commerce du bois et de l'urbanisation, une tendance durable compte tenu de la pression démographique dans cette nation pauvre d'Asie du Sud-Est.

Ce sont en effet 95 millions d'habitants qui se partagent un territoire grand comme l'Italie, montagneux et dispersé -l'archipel compte plus de 7000 îles-, dans des conditions de grande pauvreté, une personne sur trois vivant avec moins d'un dollar par jour.

Or pour les populations nécessiteuses, en particulier dans les campagnes, il suffit parfois de se baisser pour ramasser de l'or: Theresa Mundita Lim cite l'exemple d'orchidées endémiques, quasiment disparues, vendues sur les marchés contre quelques pesos. «Leur commerce est la principale source de revenus dans certains villages», affirme-t-elle.

La misère fait surtout le lit des trafiquants qui peuvent compter sur une armée de braconniers pour les approvisionner. Les piégeurs locaux ne touchent que 500 pesos (environ 12$) pour un perroquet, les intermédiaires cinq fois plus, selon Mme Lim.

À l'échelle planétaire, le trafic d'animaux génère jusqu'à 20 milliards de dollars américains par an, juste derrière le trafic d'armes et de stupéfiants, selon le Réseau de surveillance de la vie sauvage d'Asie du Sud-Est.

L'archipel philippin est devenu une plaque tournante de ce marché.

Ses geckos, petits lézards nocturnes aux couleurs vives, sont particulièrement prisés pour leurs vertus médicinales, réelles ou supposées. Certains s'échangent 1200$ pièce parce qu'ils sont censés guérir du... sida.

Des oiseaux rares peuvent atteindre 20 000$.

Le gouvernement du président Benigno Aquino, élu en 2010, a alloué plus de moyens pour lutter contre les trafics et des descentes de police dans les animaleries ont permis d'importantes saisies.

Mais elles ont paradoxalement rendu la traque plus compliquée.

Alors que la vente d'espèces menacées se faisait encore récemment en plein jour, sur les marchés d'Arranque ou de Cartimar, des quartiers de Manille, elle s'opère désormais dans la plus grande discrétion.

«Les trafiquants savent qu'ils sont surveillés (...). Alors ils sont passés à la clandestinité. Il faut commander», notamment sur l'internet, affirme Theresa Mundita Lim.

Et les condamnations sont dérisoires. Sur la vingtaine de personnes jugées ces dix dernières années, la plupart ont écopé d'une simple amende, déplore Josefina de Leon, du ministère de l'Environnement.