Un biologiste de l'UQAM a repéré plusieurs espèces végétales rares ou menacées qui n'apparaissent pas dans les études faites jusqu'ici en vue d'un projet immobilier controversé à Saint-Bruno.

«On y a trouvé pas mal de plants de ginseng et c'est une espèce désignée menacée au Québec, dit Daniel Gagnon, professeur d'écologie végétale à l'UQAM et ancien directeur de la recherche au Biodôme de Montréal. Il y a aussi plusieurs espèces qui sont désignées vulnérables.»

Selon un rapport de la Ville réalisée en 2007 par la firme Dimension Environnement, la forêt visée par le projet ne mérite pas d'être conservée, car elle n'abrite que quatre espèces vulnérables. «Dans ce rapport, le ginseng n'est pas mentionné, dit M. Gagnon. C'est une omission majeure. Ça fait douter du sérieux de l'étude.»

Le conseil municipal de Saint-Bruno a ouvert la voie, lundi soir dernier, au projet immobilier du sénateur Paul Massicotte. Un projet de règlement a été adopté et fera l'objet d'une consultation le 12 octobre avant son adoption définitive.

Une trentaine de résidences de luxe doivent être construites sur un terrain boisé de six hectares adossé à une «zone de conservation extrême» du parc national du Mont-Saint-Bruno. Appelé Domaine de la Futaie, le projet implique de raser une bonne partie d'une forêt connue comme le boisé des Hirondelles.

«C'est une érablière à caryers, mais on y trouve du chêne rouge et aussi du noyer cendré, une espèce d'arbre déclarée en voie de disparition au Canada, poursuit M. Gagnon, qui a fait une visite du terrain le mois dernier. C'est sûr que le propriétaire est dans son droit, mais des milieux forestiers matures comme celui-ci sont rares dans le sud du Québec. On ne devrait plus y construire de maisons.»

La Ville de Saint-Bruno n'a pas voulu commenter ces nouvelles informations.

Le projet de règlement reprend les exigences et objectifs que le promoteur s'est imposés pour ce projet, en matière notamment de protection du couvert forestier et des espèces menacées. Le projet se veut innovateur sur le plan du respect du paysage naturel, en conservant 60% des arbres. Cependant, selon les opposants, ces exigences masquent le fait que la forêt sera morcelée et disparaîtra comme milieu naturel.

C'est aussi l'avis de M. Gagnon. «Avec les trouées qui vont apparaître dans la forêt, la lumière va changer. De nouvelles plantes vont prendre la place de celles qui sont là, dit-il. Et l'écosystème ne sera plus adéquat pour plusieurs espèces animales.»

Les opposants affirment que la richesse biologique de la forêt a été sous-estimée. Un rapport de consultation publique commandé par la Ville a souligné qu'il n'existe pas à ce jour d'étude crédible et indépendante à ce sujet. L'opinion de M. Gagnon va dans ce sens.

Même les experts de SNC-Lavalin embauchés par le promoteur reconnaissent que leur visite du terrain, le 14 avril dernier, était «beaucoup trop hâtive pour la réalisation d'un inventaire floristique».

Le mois dernier, le sénateur Massicotte s'était dit prêt à faire mener de nouvelles études si cela lui était exigé.

Cependant, «il n'y a pas de justifications pour ce projet, ni sur le plan économique ni sur le plan environnemental», dit Catherine Mondor, une opposante qui a recueilli une pétition de 1500 signatures et plusieurs avis de scientifiques contre le projet.

Le débat intéresse de plus en plus de citoyens qui n'avaient jamais assisté auparavant à une séance du conseil municipal, comme François Parenteau. Ce dernier conteste les arguments du maire Claude Benjamin voulant que ce type de projet fournira de nouveaux revenus à la municipalité. «La forêt des Hirondelles représente un huitième de 1% du territoire de la Ville, dit M. Parenteau. Je remets en question l'intelligence de prétendre vouloir augmenter les revenus de la Ville avec ce qui est peut-être le plus beau terrain qui reste sur le territoire. Il y a d'autres choses, mis à part un impôt foncier stable, qui apporte de la satisfaction aux citoyens.»