Plus de 120 experts réputés canadiens des changements climatiques dénoncent la politique du gouvernement conservateur, et invitent les Canadiens à voter «stratégiquement» pour l'environnement lors des élections fédérales du 14 octobre.

«Le réchauffement climatique est un enjeu déterminant de notre époque», a affirmé Andrew Weaver, un des auteurs du rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), qui a remporté l'an dernier le Prix Nobel de la Paix.

M. Weaver a affirmé mardi que le gouvernement de Stephen Harper «n'avait toujours pas adopté les politiques urgentes et innovantes nécessaires afin de réduire de façon significative les émissions de gaz à effet de serre au Canada».

«L'environnement n'a jamais nécessité autant d'attention», a affirmé John Stone, cosignataire de la lettre. Selon lui, la chance de tenir un débat national éclairé sur la réplique canadienne aux changements climatiques est en train de se volatiliser.

Dans cette lettre, la crème de la crème des experts canadiens sur la question écrivent qu'«on dirait que les gens n'ont tout simplement pas idée à quel point l'enjeu est important», et cela, même s'il est clair que la population accepte l'idée selon laquelle le réchauffement climatique représente une menace.

«Le réchauffement climatique est un problème dont on doit s'occuper maintenant et avant qu'il ne soit trop tard», expliquent les experts. «Tout délai additionnel ne fera qu'augmenter les risques de dommages ainsi que les coûts.»

Et même si les gaz à effet de serre sont stabilisés au niveau actuel, la glace disparaîtra de l'Arctique l'été, entre 10 et 25 pour cent des espèces de la planète seront appelées à disparaître et le climat deviendra de plus en plus extrême, clame la lettre.

Plusieurs signataires dépendent d'agences fédérales pour des subventions. Mais David Schindler, qui a remporté la plus haute récompense scientifique du Canada en 2001, a affirmé que les experts étaient tout de même confiants que les agences continueraient de fonder leurs critères de subventions sur le mérite et la reconnaissance professionnelle, plutôt que sur la politique.

Le plan du gouvernement conservateur se concentre sur l'intensité des émissions mais pas sur leurs réductions, ce qui signifie que l'on continue à polluer mais plus efficacement, note la lettre.

La seule façon de s'occuper du réchauffement climatique est de mettre un prix sur les émissions. Les experts citent à cet effet la taxe sur le carbone proposée par les libéraux, ou l'établissement d'un prix pour le carbone via un système de marché du carbone, comme le proposent les néo-démocrates.

Dans les deux cas, la note à payer est refilée aux consommateurs par le biais d'augmentations des prix. Dans le cas de la taxe sur le carbone, le consommateur voit quel prix est ajouté, alors que ce n'est par clair pour le système de marché du carbone.

«Il est fallacieux d'affirmer d'une part que la taxe sur le carbone causera un désastre économique, et d'autre part se faire l'avocat du système de marché», disent les signataires de la lettre. «Ce sont des instruments économiques équivalents, avec les mêmes effets sur le prix des émissions.

«Les Canadiens ordinaires méritent de le savoir, et que cet enjeu ne soit pas obscurci par la rhétorique politique.»

Avec à l'ordre du jour des prochaines années des rencontres internationales sur l'environnement et les changements climatiques, les Canadiens se trouvent dans une conjoncture historique déterminante pour leur pays, selon la lettre.

Critiques du gouvernement Harper, les experts affirment qu'au cours des deux dernières années, le Canada a entravé les efforts internationaux afin de s'attaquer aux changements climatiques. On cite par exemple:

- que lors de la Réunion du Commonwealth en Ouganda en 2007, le Canada a fait échouer les tentatives de parvenir à un consensus sur une entente détaillée et musclée sur la réduction des gaz à effet de serre;

- qu'en décembre 2007, lors d'une rencontre des Nations unies à Bali, le Canada «s'est couvert de honte au niveau international» en mettant plus d'efforts que tout autre pays pour bloquer le processus et résister aux tentatives d'inclure les cibles proposées par l'Union européenne et d'autres pays.