La crise économique a durement éprouvé la volonté internationale de lutter contre les changements climatiques.

La communauté internationale peut-elle marcher et mâcher de la gomme en même temps? Peut-elle s'attaquer à la crise économique, en d'autres termes, et réduire simultanément ses émissions de gaz à effet de serre?

Les pays qui se réunissent à compter d'aujourd'hui à Poznan, en Pologne, devront répondre à cette brûlante question, la seule qui vaille, au fond, à cette conférence de deux semaines sur le climat.

 

Au cours des derniers mois, la chute de Wall Street et ses innombrables conséquences ont en effet durement éprouvé la volonté internationale de lutter contre le réchauffement planétaire, ébranlant le délicat consensus forgé il y a à peine 12 mois.

Le Canada, par exemple, a indiqué que l'environnement ne devait pas prendre le pas sur l'économie. L'Espagne a remis à plus tard d'importants investissements dans les énergies renouvelables. Et l'Italie paralyse l'Union européenne, en exigeant une cible de réduction des gaz à effet de serre moins ambitieuse en cette période de doutes économiques. «Les chefs d'État ont manifestement d'autres préoccupations en tête», a confirmé Yvo de Boer, grand patron du bureau climatique de l'ONU.

Rendez-vous critique

Le problème, c'est que, dans la course vers un tout nouveau protocole - qui doit remplacer celui de Kyoto à compter de 2012 -, la conférence de Poznan est la toute dernière étape avant le fil d'arrivée, qui ne se trouve qu'à 12 mois d'ici, à Copenhague.

«Poznan est une rencontre extrêmement critique, explique Julia Langer, de WWF Canada. C'est là que la communauté internationale doit s'entendre sur un processus de négociations et un échéancier, afin d'aboutir à un nouvel accord l'an prochain.»

La conférence de Bali avait permis de mettre la table en 2007, d'asseoir les différentes parties ensemble, et même d'amorcer le repas. Certes, personne ne s'est encore levé de table, mais des inquiétudes existent en ce sens.

«Une crise ne doit pas servir d'obstacle à l'action sur une autre crise», ont lancé tour à tour le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, et le président français, Nicolas Sarkozy, confirmant du coup l'existence d'une telle crainte.

«L'Amérique est de retour!»

N'y aura-t-il donc que des mines basses à Poznan? Non, car l'ouverture récente des États-Unis compense à elle seule bien des mauvaises nouvelles. John Kerry, qui représentera le pays en Pologne, s'est fait le porte-voix du président désigné, Barack Obama, en affirmant il y a quelques jours: «L'Amérique est de retour!»

À ce virage majeur s'ajoute également une attitude d'ouverture de la part de la Chine, selon certains observateurs. «Je suis très optimiste, indique John Stone, professeur à l'Université de Carlton et membre du GIEC, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. Je pense que la Chine, pour des raisons tant économiques que de santé publique, voit qu'il est dans son intérêt d'agir. Et le fera.»

Canada

Et le Canada dans tout ça? Mystère. Le nouveau ministre, Jim Prentice, marchera-t-il dans les pas de ses successeurs, Rona Ambrose et John Baird? Ou ouvrira-t-il une nouvelle ère de coopération, comme l'espèrent les écolos?

«C'est une excellente occasion pour le pays de renouveler son approche et de rétablir sa crédibilité sur la scène internationale, souligne Dale Marshall, de la Fondation Suzuki. Le Canada est aujourd'hui l'unique signataire du protocole de Kyoto à avoir choisi de lui tourner le dos.»

Le Canada s'entêtera-t-il à dire que la lutte contre les changements climatiques ne doit pas éclipser celle menée pour limiter l'effet de la crise financière? Ou se rangera-t-il derrière les pays qui voient dans cette crise une occasion en or de jeter les bases d'une nouvelle économie moins dommageable pour l'environnement?