En raison d'une forte opposition dans ses rangs, l'administration Tremblay a dû mettre de côté un audacieux plan en quatre étapes visant à réglementer sévèrement l'utilisation des poêles à bois à Montréal, a appris La Presse.

Les tensions à ce sujet sont si vives à l'hôtel de ville que le responsable de l'Environnement, Alan DeSousa, a échoué deux fois plutôt qu'une à convaincre le comité exécutif de la pertinence de son plan. Celui-ci visait notamment le remplacement obligatoire de tous les anciens poêles à bois par des appareils certifiés d'ici huit ans.

 

Selon nos informations, M. DeSousa pourrait tenter à nouveau sa chance demain, en présentant à ses collègues un plan dilué, aux mesures moins coercitives. Il proposera entre autres qu'on interdise l'installation de poêles dans les nouvelles constructions.

Preuve de l'importance de ce différend entre élus: le 17 juin 2008, un communiqué de presse de trois pages comprenant le menu détail d'un futur règlement a été retenu in extremis par le cabinet du maire et du comité exécutif, moins d'une heure avant d'être envoyé aux journalistes.

«La Ville de Montréal, agissant en administration responsable, entend déposer très prochainement, pour consultation publique, un projet de règlement concernant les appareils de combustion au bois», peut-on lire dans ce document obtenu par La Presse.

Ce règlement, qui n'a jamais vu le jour, devait contenir au moins quatre éléments:

- l'interdiction d'utiliser un poêle à bois les jours de smog;

- l'interdiction d'en installer dans les nouvelles constructions et lors de rénovations;

- l'obligation de remplacer «l'ensemble des appareils de combustion au bois sur le territoire par des appareils au gaz naturel, au gaz propane ou à granules et ce, d'ici le 31 décembre 2016»;

- l'implantation d'un programme de subventions au remplacement des poêles à bois.

En lieu et place de ce communiqué détaillé, l'équipe des communications de la Ville en diffusé un le lendemain, le 18 juin 2008, où elle se contente d'encourager les citoyens à «réduire» l'utilisation des poêles les jours de smog.

Maciocia s'oppose

Selon nos informations, le communiqué du 17 juin n'a jamais été rendu public en raison des fortes réticences de certains maires de l'île, en particulier Cosmo Maciocia, responsable de l'Habitation et maire de l'arrondissement Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles. On y retrouve la plus grande concentration de poêles à Montréal.

«Une poignée de maires, dont Maciocia, a peur de la réaction qu'auront les électeurs lorsqu'ils comprendront qu'on leur enlève un privilège, explique une source bien au fait du dossier. C'est extrêmement délicat, surtout en année électorale.»

La volonté d'agir de M. DeSousa, dit-on, n'est pas à remettre en question. Il a tenté de faire adopter son plan par le comité exécutif une première fois en juin, puis une seconde en décembre dernier, mais sans succès.

En entrevue, M. DeSousa s'est fait évasif, niant avoir vu ce communiqué qui contenait pourtant de nombreuses citations lui étant directement attribuées. «Les communiqués émis sont ceux qui comptent», a-t-il fini par lâcher.

Son collègue Maciocia, en revanche, a reconnu l'existence du différend entre les deux hommes. «Le problème, c'est que les familles qui possèdent un foyer ne sont pas celles qui gagnent des millions de dollars. Imaginez le citoyen qui s'est levé à 5h du matin pour se rendre à son travail. Il revient à 7h le soir. Il a de la difficulté à payer ses taxes. Il lui a fallu 30 ans pour payer sa maison. Et on va lui demander de payer plus de 1000$ pour changer son foyer! Pourquoi le pénaliser?» a-t-il lancé, avec émotion.

Une «discussion» demain

On soutient en coulisse que le responsable de l'Environnement envisage de revenir à la charge pour la troisième fois demain, lors de la rencontre hebdomadaire du comité exécutif, en expurgeant son plan des mesures les plus controversées, entre autres la conversion obligatoire d'ici huit ans et, possiblement, l'interdiction liée au smog.

Il conserverait par contre l'interdiction d'installer des appareils de combustion au bois dans les nouvelles résidences, une mesure qui, en plus d'avoir l'accord de M. Maciocia, ne devrait pas susciter beaucoup de mécontentement, croit-on.

En entrevue, M. DeSousa a confirmé qu'une «discussion» sur les poêles aurait lieu demain à la réunion du comité exécutif. «Une décision sera-t-elle prise? C'est à voir», a-t-il ajouté.

Rappelons que certaines municipalités ont déjà pris des mesures coercitives à ce chapitre. La plus remarquée est certainement Hampstead, qui a adopté l'an dernier un règlement bannissant les appareils de chauffage dans lesquels «du bois ou toute autre substance solide peut être brûlé».

Pour joindre notre journaliste: francois.cardinal@lapresse.ca