Analyses «boiteuses», hypothèses «erronées», programmes inefficaces, manque de moyens pour vérifier et évaluer les mesures et l'application des règlements; le gouvernement canadien échoue au test de la réduction de la pollution de l'air, selon le commissaire à l'environnement, Scott Vaughan.

Dans son rapport, présenté hier conjointement avec celui de la vérificatrice générale, à la Chambre des communes, M. Vaughan estime qu'Ottawa accuse d'importantes lacunes dans sa gestion des émissions atmosphériques.

«Pour qu'ils soient crédibles aux yeux des Canadiens et du reste du monde, les programmes du gouvernement en matière de réduction de la pollution de l'air doivent permettre d'obtenir des résultats mesurables, a souligné le commissaire en conférence de presse. À cet égard, la plupart de nos constatations ont été décevantes.»

En effet, impossible de vérifier si certains programmes importants de réduction des émissions atmosphériques donnent les résultats escomptés.

Notamment, le Fonds de fiducie pour la qualité de l'air et les changements climatiques, partie intégrante du plan canadien de réduction de la pollution atmosphérique de 2007, est rempli de lacunes, juge le commissaire à l'environnement.

«Les estimations des réductions des gaz à effet de serre faites dans le cadre du fonds de fiducie sont déficientes et invérifiables», note-t-il. Le Fonds a permis de transférer plus de 1,5 milliard aux provinces, afin de réduire les émissions de GES, mais sans condition.

Le gouvernement n'a donc pas, selon le commissaire, les moyens de surveiller la mise en oeuvre. Pire, un chapitre du rapport de la vérificatrice générale, Sheila Fraser, sur les paiements de transferts fédéraux confirme que les provinces et territoires n'ont ni l'obligation de dépenser l'argent du fonds de fiducie aux fins annoncées par le gouvernement fédéral ni l'obligation de rendre compte à Ottawa de ce qui a été réalisé avec ces sommes.

«Le problème avec les fonds de fiducie, c'est que le gouvernement y a inscrit des objectifs de résultats, mais sans aucun moyen de savoir vraiment si ces résultats ont été atteints», a dit Mme Fraser en conférence de presse.

En outre, certains programmes sont tout simplement jugés inefficaces. C'est le cas du crédit d'impôt pour les transports en commun, annoncé en grande pompe dans le budget du ministre des Finances conservateur, Jim Flaherty, en 2006, pour désengorger les voies de circulation dans les centres urbains.

«D'après les estimations d'Environnement Canada, le crédit d'impôt pour les transports en commun n'entraînera que des réductions négligeables des émissions de gaz à effet de serre», souligne M. Vaughan, ajoutant que l'incidence environnementale s'était appuyée sur une «analyse superficielle». Entre 2007 et 2008, le gouvernement a lui-même revu à la baisse ses objectifs de réduction d'émissions par cette mesure, de 220 000 tonnes à 35 000 tonnes par année. Or, le coût du crédit d'impôt, comme manque à gagner en recettes fiscales pour Ottawa, s'élève à 635 millions de dollars pour les exercices 2006-2007 à 2008-2009. «Les réductions réelles seront décevantes compte tenu du coût», a estimé le commissaire.

Des règlements sur le benzène dans l'essence et le soufre dans le carburant diesel ont aussi été adoptés sans outil pour en vérifier la mise en oeuvre.

Les partis de l'opposition pas surpris

Quant au plan de prévention de la pollution à l'égard de l'acrylonitrile (substance toxique utilisée dans la fabrication de caoutchouc synthétique), «aucune évaluation finale indépendante des résultats obtenus n'a été faite, explique le commissaire à l'environnement.

Les partis de l'opposition à Ottawa ont tous affirmé ne pas être surpris par ces conclusions. Le critique libéral en environnement, David McGuinty, a estimé que le gouvernement «s'était fait prendre» sur les questions de l'environnement. «Le plus troublant, c'est le 1,5 milliard en Fonds de fiducie écologique. On ne peut en aucun cas savoir où l'argent s'en va», s'est insurgé M. McGuinty.

«On voit que les conservateurs ont tendance à surestimer les résultats de leurs politiques», a pour sa part souligné le député bloquiste Pierre Paquette à propos du crédit d'impôt pour les transports en commun, accusant Ottawa de «maquiller» les chiffres.

Le ministre de l'Environnement, Jim Prentice, a accusé le coup et assuré qu'il évaluerait les recommandations du commissaire et prendrait les mesures nécessaires pour qu'il y ait davantage de redditions de comptes.

Il a par ailleurs défendu bec et ongles le crédit d'impôt pour les transports en commun, estimant qu'il s'agissait non seulement d'une mesure pour réduire les gaz à effet de serre, mais aussi d'un «important allègement fiscal» pour plusieurs Canadiens qui choisissent les transports collectifs.