Laval dépensera 40 millions d'ici 2020 pour acheter des milieux naturels, mais veut continuer de tenir secrets les contours exacts des zones de conservation qu'elle entend désigner, ce qui lui attire des critiques.

Le maire de Laval Gilles Vaillancourt assure que cette approche décourage la spéculation immobilière et favorise des transactions de gré à gré avantageuses. «Notre patience nous a permis jusqu'ici de faire de bonnes acquisitions, a affirmé en entrevue M. Vaillancourt. Je comprends que les écologistes veulent un portrait plus clair, mais le contribuable le paierait cher.»

 

Cette pratique ne sert qu'à brouiller les pistes, selon Guy Garand, directeur général du Conseil régional de l'environnement de Laval (CREL). «Des acquisitions sont importantes, mais certaines ne font pas partie des plans», dit-il.

Selon la liste des milieux naturels acquis par Laval depuis janvier 2004, obtenue par La Presse, un terrain comprenant un ancien dépotoir compte à lui seul pour presque la moitié de la superficie totale acquise en cinq ans.

Ce terrain en zone agricole dans le secteur Saint-François (nord-est de l'île) appartenait à la firme Monit, le plus important propriétaire foncier à Laval. Acquis en 2006 pour 1,9 million, il vient avec un lourd passif. Le terrain de 137 hectares ne fait pas partie des territoires d'intérêt écologique identifiés par la Ville de Laval dans son projet de schéma d'aménagement de 2004. Mais il comporte 14 hectares de l'ancien dépotoir Cloutier, fermé en 1980.

«Ces terrains ont été achetés à des fins de conservation et de mise en valeur, dit Marc Laforge, porte-parole de la Ville. Tout cela fait partie d'une vision à long terme et d'une planification ultérieure.» Il souligne que le dépotoir est en train de se reboiser.

Le dépotoir Cloutier a reçu dans les années 60 et 70 «des déchets industriels en quantité appréciable», selon un inventaire publié en 1991 par le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs (MDDEP). «L'élimination de déchets industriels y aurait été plus importante au cours des années 60, alors que le dépotoir exploité recueillait une bonne part des déchets de Montréal», affirme-t-on.

Sa superficie totale atteint 33 hectares. L'autre partie, soit 19 hectares, se trouve sur un autre terrain appartenant également à la Ville de Laval, qui en a hérité pour non-paiement de taxes.

L'endroit a fait parler de lui en avril 1965, quand des nappes d'huiles usées ont débordé dans la rivière des Mille-Îles, menaçant l'aqueduc municipal. L'huile a ensuite pris feu. Dans les coupures de presse de l'époque, on raconte que la compagnie Sanitary Refuse Collection y déversait régulièrement de l'huile recueillie dans les bateaux et les garages.

«Je ne comprends pas pourquoi la Ville de Laval a consacré autant d'argent à acheter un site contaminé, dit Daniel Greene, de la Société pour vaincre la pollution. Les prochaines générations de Lavallois hériteront des coûts de décontamination.»

Treize zones écologiques

Selon la Ville, la somme de 40 millions annoncée dans le cadre de sa Politique de conservation et de mise en valeur des milieux naturels d'intérêt devrait permettre à terme de protéger 9% de son territoire. Laval affirme déjà être à 4,8%, mais ce chiffre est contesté. Selon le MDDEP, la proportion du territoire lavallois répondant à la définition d'aire protégée est inférieure à 1%.

La nouvelle politique identifie 13 zones d'aménagement écologique particulières (ZAEP). Toutes ces zones incluent des secteurs naturels déjà connus pour leur valeur écologique. Par ailleurs, il manque quelques zones importantes, selon Guy Garand. «On n'y trouve pas les trois grandes îles de la rivière des Mille-Îles, entre autres», dit-il.

La désignation des ZAEP met en branle un processus réglementaire qui va s'étendre sur au moins un an pour déboucher sur un zonage qui protégera des milieux naturels. «Il faut mettre à jour nos études environnementales, explique Gilles Benoit, assistant directeur au service de l'environnement à la Ville de Laval. Ensuite, il faut évaluer les besoins en développement, identifier les propriétaires, démarrer les discussions avec le ministère du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs au sujet des objectifs de conservation dans chacune des ZAEP. Une fois les objectifs fixés, on peut réaliser le zonage.»

En attendant, le retard de Laval dans le domaine de la conservation va demeurer, selon Guy Garand. «Laval existe depuis 44 ans et il n'y a toujours aucun grand parc nature, comme ceux qui ont été créés à Montréal dans les années 70 et 80. Il manque d'installations dans les quelques parcs qui existent. Au parc de la rivière des Mille-Îles, il n'y a même pas de toilettes pour les gens qui utilisent la patinoire cet hiver. Alors, comment la Ville de Laval peut-elle affirmer que les espaces naturels offrent un cadre de vie intéressant?