Après quelques tergiversations, Barack Obama a finalement décidé que les sables bitumineux du Canada feraient partie du cocktail énergétique de son pays pour bien des années à venir.

Au sortir d'une courte rencontre à huis clos, lundi, avec le premier ministre albertain, Ed Stelmach, le secrétaire américain à l'Énergie, Steven Chu, a livré un plaidoyer en faveur du pétrole bitumineux, tout en reconnaissant son important impact sur l'environnement.«Il s'agit d'une source d'énergie qui mérite d'être exploitée d'une façon plus soucieuse de l'environnement», a-t-il indiqué, précisant néanmoins nourrir beaucoup d'espoir en la technologie, particulièrement la capture et le stockage des émissions carboniques.

Cela tranche avec les propos tenus il y a un an par le candidat Obama, qui promettait alors de rompre la dépendance de son pays par rapport au pétrole «sale, en déclin et coûteux».

Si M. Obama n'avait pas fait mention des sables bitumineux comme tels à l'époque, son conseiller à l'énergie d'alors, Jason Grumet, avait osé franchir ce pas. «S'il s'avère que la technologie n'évolue pas et que la seule façon d'extirper le pétrole contribue aux changements climatiques, dans ce cas cette source pétrolière ne cadrerait pas avec nos objectifs à long terme», avait-il dit l'an dernier.

Or pour l'instant, aucun projet technologique n'est sur les rails pour aboutir à de tels résultats. Même que le ministre albertain de l'Environnement, Rob Renner, a indiqué mardi que la part du lion des 2 milliards de dollars prévus pour l'enfouissement du carbone était destinée à l'industrie du charbon.

«J'espère qu'il y aura au moins un projet lié directement ou indirectement aux sables bitumineux», s'est-il contenté d'ajouter.

L'ouverture de la Maison-Blanche au pétrole albertain tranche, ironiquement, avec la position adoptée par la précédente administration. Le président George W. Bush avait en effet mis des bâtons dans les roues des pétrolières albertaines avant son départ, interdisant à l'ensemble des agences fédérales d'acheter du pétrole à la production trop polluante, dont celui provenant des gisements bitumineux.

Pour certains observateurs, cela ne cadre pas du tout avec le «dialogue sur les énergies propres», lancé conjointement à Ottawa par M. Obama et Stephen Harper, il y a quelques mois.

Déjà miné par les pressions exercées par Ottawa sur la Californie, afin que cette dernière élimine de son plan vert les éléments ciblant négativement les sables bitumineux, le «dialogue» n'a encore produit aucun résultat.

Cela dit, dès janvier, des signes provenant des États-Unis laissaient présager un éventuel assouplissement de Washington par rapport au pétrole albertain. Hillary Clinton parlait alors de la sécurité énergétique des États-Unis et donc, de l'importance de s'approvisionner auprès des pays plus stables.

La nomination de James Jones à titre de conseiller à la sécurité nationale, aussi, allait en ce sens. Ce dernier, qui a ses entrées à Calgary, était auparavant président du 21st Century Energy, un organisme qui prône un rapprochement entre le Canada et les États-Unis.

Le rapprochement entre Washington et Calgary survient au moment où un important rapport scientifique sonne l'alarme sur l'impact qu'ont déjà les changements climatiques aux États-Unis. Émanant de ministères et d'organismes gouvernementaux, l'étude dévoilée mardi révèle que sans une modification de la consommation d'énergie, le réchauffement s'accélérera dans ce pays.

Précisons enfin qu'un livre publié cette semaine à Calgary, intitulé How Albertans Can Get Rich Saving the Planet, fait couler beaucoup d'encre. Signé par Peter Silverstone, psychiatre et membre de l'Edmonton Economic Development Corporation, l'ouvrage propose au gouvernement de construire pas moins de 100 centrales nucléaires pour réduire les émissions polluantes issues de l'exploitation des sables bitumineux.