La lutte aux gaz à effet de serre (GES) menée par le Québec ne servira pas de prétexte à renflouer les coffres de l'État, assure le premier ministre Jean Charest.

Si, au cours des prochains mois, le gouvernement en venait à la conclusion qu'il faudrait, par exemple, augmenter la taxe sur l'essence, ce serait donc, faut-il comprendre, pour améliorer le bilan environnemental et non pour mieux équilibrer les finances publiques.

Dans une entrevue exclusive à La Presse Canadienne, vendredi, en marge de la conférence internationale Governor's Global Climate Summit, qui porte sur les changements climatiques, M. Charest a été formel.

«On n'a pas lié la question des finances publiques aux questions de l'environnement. Non, ce n'est pas lié», a-t-il soutenu, en voulant bien passer le message que l'une n'était pas au service de l'autre.

«L'objectif n'est pas de taxer davantage», a-t-il ajouté, mais bien d'agir dans le sens de modifier les comportements des gens.

Le scénario d'une possible hausse du prix de l'essence de 3,7 cents à 12,7 cents le litre apparaît dans le document de consultation rendu public la veille par la ministre du Développement durable, Line Beauchamp.

Le document fixe également la fourchette de nouvelles cibles de réduction d'émissions de GES, de 2012 à 2020, parmi lesquelles le gouvernement devra faire son choix avant la conférence de Copenhague, en décembre, alors qu'on définira l'après-Kyoto.

On y apprend que l'objectif du Québec se situerait entre 10 et 20 pour cent d'émissions de GES de moins d'ici 2020, par rapport à 1990.

Cependant, en entrevue vendredi, M. Charest, qui tient à ce que le Québec soit vu comme un leader dans la lutte aux changements climatiques, a laissé entendre qu'il ne s'agissait pas d'un absolu et que la cible du Québec, à compter de 2012, pourrait être inférieure ou supérieure aux scénarios évoqués.

«Il est possible qu'une autre cible ressorte (de la consultation) comme consensus et que le gouvernement arrête finalement sa décision sur une autre cible que ce qui a été présenté», a commenté M. Charest.

Lui-même refuse pour l'instant de dire s'il compte se présenter à Copenhague avec une cible ambitieuse.

«Tout est possible», s'est-il contenté de dire, en ajoutant qu'il fallait tenir compte des conséquences sur l'économie et que le Québec avait déjà fait beaucoup en ce domaine.

De nombreux experts s'entendent pour revendiquer une réduction d'au moins 25 pour cent des émissions de GES d'ici 2020, à partir de l'année de référence 1990. Les pays d'Europe s'alignent autour d'un objectif de 20 pour cent.

Vendredi, le premier ministre Charest a eu l'occasion de s'entretenir avec plusieurs leaders, dont le président de la conférence et gouverneur de la Californie, Arnold Schwarzenegger, reconnu pour être à l'avant-garde de la lutte au réchauffement de la planète.

Durant la séance de photo servant à immortaliser la rencontre, La Presse Canadienne lui a demandé comment il percevait la contribution du Québec à la lutte aux changements climatiques.

«On travaille ensemble. Là où les gouvernements fédéraux manquent à l'appel, c'est à ce moment que les États et les provinces interviennent», a répondu celui qu'on surnomme «governator».

Même si certains pays ont boudé le protocole de Kyoto, les États et provinces issus de ces pays ont bougé, dont «au Canada où des provinces se sont engagées à réduire les GES», a-t-il dit en substance.

D'ailleurs, c'est au niveau des États et des provinces qu'on trouve «les grands contributeurs», ceux qui font progresser la lutte aux changements climatiques, selon M. Schwarzenegger.

«C'est là qu'est l'action», en ce sens que de «50 à 80 pour cent» des gestes accomplis pour réduire les émissions le sont par des États ou provinces, a-t-il ajouté, en se disant «fier» de ce qui avait été fait au Québec en ce domaine.

Cet argument est d'ailleurs souvent employé par le premier ministre Charest pour justifier sa demande de voir le rôle des États fédérés officiellement reconnu dans les textes à Copenhague.

D'ici là, M. Charest a renouvelé son souhait que le gouvernement fédéral adopte l'année de référence 1990 «qui fait consensus», et non 2006, et s'engage à respecter des cibles de «réduction nette» de GES et non de «réduction d'intensité».

Une de ses grandes inquiétudes, par rapport à Copenhague, demeure le rôle que joueront les États-Unis, malgré les bonnes intentions du président Barack Obama.

«La grande question, s'il y en a une qui domine les discussions, c'est: ils en seront où les Américains, rendus à Copenhague?», a-t-il dit, rappelant qu'un projet de loi est bloqué au Sénat.

Par ailleurs, le premier ministre a annoncé que le Québec donnera un coup de main à l'Algérie pour mieux se prémunir contre les changements climatiques au cours des prochaines années.

Ce pays du Maghreb, au nord de l'Afrique, fait partie de ceux qui sont jugés particulièrement vulnérables à une hausse de la température mondiale, pouvant entraîner diverses catastrophes dont la désertification.

La participation du Québec se situe dans le cadre d'un programme parrainé par l'ONU, à travers le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement).

Il avait annoncé en juin, à Bruxelles, que le Québec allait se joindre à cette initiative qui vise, d'ici 2013, à prêter main-forte, en termes de partage d'expertise, à un pays en développement qui cherche à lutter contre les gaz à effet de serre (GES), mais il restait à choisir le pays à aider.

La deuxième conférence Governors» Global Climate Summit visait à tisser des liens entre les États, régions ou provinces qui luttent activement contre les changements climatiques.

Des leaders de quelque 70 pays y étaient représentés.

Samedi, le premier ministre Charest soulignera le travail de lutte contre les incendies en Californie, mené grâce au Québec et à ses appareils CL-215.