S'il veut rester compétitif, le Canada doit arrimer sa politique en matière de changements climatiques à celle des États-Unis, croit le ministre fédéral de l'Environnement, Jim Prentice. Il admet toutefois que cette position risque de rendre les négociations de Copenhague «ardues» et «difficiles».

«Si nous en faisons plus que les États-Unis, nous subirons des conséquences économiques sans tirer de véritables avantages sur le plan environnemental», a-t-il déclaré hier à Montréal, lors d'un discours devant le Conseil patronal de l'environnement du Québec. «Compte tenu de l'intégration de nos deux économies, il est essentiel que nos cibles soient alignées. Ni plus, ni moins.»

 

Le président des États-Unis, Barack Obama, a indiqué récemment qu'il visait une cible de réduction des gaz à effet de serre (GES) de 17% d'ici 2020 par rapport à 2005. Or, le protocole de Kyoto prévoyait une réduction des émissions de 5,2% par rapport au niveau de 1990. La réduction des GES des États-Unis serait donc de 4% si on la calcule en fonction de 1990.

D'autres régions privilégient toutefois des cibles beaucoup plus ambitieuses. C'est le cas de l'Europe et du Japon, qui se sont fixé des objectifs de réduction de 20% et de 25% par rapport à 1990.

«En raison de la diversité des pays participants et de leur état variable de développement économique, les négociations qui se dérouleront au Danemark s'annoncent ardues, a dit M. Prentice. Mais nous refusons de répéter les erreurs du passé.»

«Les Canadiens ont déjà pu constater, avec le protocole de Kyoto, ce qui se passe lorsqu'un pays signe un accord sans tenir compte des conséquences. Contrairement aux gouvernements précédents, nous ne signerons pas un accord irréaliste», a ajouté le ministre.

Discours critiqué

Le discours de M. Prentice a suscité de vives réactions de la part de l'opposition et de groupes environnementaux hier.

«On vit au Canada. Notre politique environnementale doit être faite ici au Canada, et pas à Washington», a déploré le chef du Parti libéral du Canada, Michael Ignatieff, de passage à Montréal hier.

«Nous avons eu trois ministres de l'Environnement, quatre ans de perdus et aucun plan. Maintenant, on attend M. Obama pour notre plan? Je sais bien qu'un plan environnemental doit prendre en considération les États-Unis, mais c'est à nous de régler nos problèmes de façon compétitive par rapport à eux!»

Hugo Séguin, le coordonnateur d'Équiterre, présent lors de l'allocution de M. Prentice, croit également que la stratégie du gouvernement conservateur nuira à l'économie québécoise.

«Quand le ministre parle de l'économie et de protéger les emplois, il ne parle pas de la même économie et des mêmes emplois que les gens d'affaires du Québec, a-t-il expliqué. Les gens du Québec ont très bien compris que l'on doit investir dans les nouvelles technologies propres. Pour M. Prentice, l'investissement doit se faire dans l'industrie pétrolière de la Saskatchewan et de l'Alberta. En voulant surprotéger les intérêts pétroliers, le Canada empêche la croissance économique de provinces comme le Québec et l'Ontario.»

Nouvelle approche

Jeudi, le ministre de l'Environnement a suscité la surprise en indiquant que la stratégie de son gouvernement visait à mettre en place des plafonds «absolus» d'émissions de GES pour les industries plutôt que des cibles d'«intensité» autrefois défendues par son gouvernement.

L'adoption de ce système plus restrictif permettrait au Canada de participer à un système communément appelé «cap and trade», une sorte de Bourse du carbone continentale. Les plafonds d'émissions seraient fixés par secteur en harmonie avec le gouvernement américain. Le ministre n'a toutefois pas donné plus de détails.

Le critique bloquiste en matière d'environnement, Bernard Bigras, craint qu'un tel système désavantage le Québec s'il est mis sur pied en fonction de la cible de réduction des GES par rapport à 2005.

«Nous sommes prêts à participer à un marché continental du carbone. Cependant, le Canada devra s'assurer de donner au secteur industriel québécois les crédits en conséquence, a-t-il expliqué. Avec des réductions de 24% depuis 1990, je pense que les industriels québécois ont lancé un message clair, voulant que leurs intérêts régionaux soient défendus et reconnus. C'est le fédéralisme asymétrique qui sera testé dans les prochains jours à Copenhague.»

- Avec Catherine Handfield