BIXI pourrait transformer la sueur de ses usagers en argent sonnant. Une entreprise américaine serait sur le point de recevoir le feu vert pour convertir en crédits carbone le kilométrage parcouru par les utilisateurs de systèmes de vélos en libre-service.

Pour l'heure, les crédits carbone achetés par les grands pollueurs pour contrebalancer leurs émissions de CO2 ont principalement été accordés à des projets de reforestation ou de captation de gaz. Voilà que CityRyde, entreprise établie à Philadelphie aux États-Unis, a conçu un logiciel permettant de calculer avec précision la quantité de gaz carbonique éliminée par l'utilisation des services comme BIXI, à Montréal, ou Vélib', en France.

La méthodologie peaufinée depuis 2007 vient de franchir la première de deux étapes auprès de l'une des principales organisations accordant les crédits carbone sur le marché volontaire d'Amérique du Nord, Verified Carbon Standard (VCS). Une évaluation indépendante a approuvé les calculs de CityRyde. Une deuxième évaluation est maintenant attendue pour permettre à l'entreprise de convertir la sueur en argent pour les exploitants de vélos en libre-service.

CityRyde a évalué qu'un système comme Vélib' pourrait récolter 1 million par année grâce à ses 20 000 vélos répartis dans les 1800 stations de Paris. La mairie parisienne évalue qu'elle a ainsi permis d'éviter l'émission de plus de 40 000 tonnes de CO2 depuis la mise en place du service en 2007. «Le prix pourrait être plus important selon l'appétit du marché du carbone», précise toutefois Jason Meinzer, cofondateur de CityRyde.

De nouveaux revenus qui seraient les bienvenus

La Société de vélo en libre-service, qui gère BIXI, confirme avoir sérieusement étudié la possibilité de souscrire au marché du carbone pour générer des revenus, indique un porte-parole, Michel Philibert. «On avait pensé à ça dès le début, mais comme ce n'était pas quelque chose de bien fonctionnel encore, on n'était pas allé vers ça», dit-il.

L'ouverture d'une Bourse du carbone en 2013 à Montréal, annoncée par le gouvernement québécois en décembre, pourrait maintenant changer la donne pour BIXI. «Quand ce sera bien implanté, on pourra étudier comment on peut s'intégrer là-dedans», ajoute M. Philibert. Pour l'heure, le marché montréalais doit toutefois se limiter aux crédits en provenance de trois secteurs: foresterie, agriculture et gestion des matières résiduelles.

Cette nouvelle source de revenus serait d'autant plus la bienvenue que BIXI traîne toujours un déficit d'exploitation. Celui-ci est évalué à 3,2 millions pour 2011, en baisse par rapport à 2010 où il s'était établi à 7,2 millions.

BIXI répond à tous les critères fixés par CityRyde pour obtenir des crédits carbone. L'alimentation solaire des stations d'ancrage de Montréal respecte en effet l'un des principaux critères, à savoir l'utilisation d'énergies renouvelables.

Malgré les retombées financières potentielles, la mairie de Paris n'a pas souhaité bénéficier des crédits carbone. «Non, on n'a pas envisagé ça parce que Vélib' est un système self sufficient qui dégage des marges de profits. Alors, comme c'est un modèle qui réussit, on n'est pas à la recherche de nouvelles recettes», indique un porte-parole de la Ville, Damien Steffan.

Le modèle d'affaires retenu par Paris pour financer son système de vélo libre-service est sensiblement différent de celui adopté à Montréal. Une entreprise en publicité, JCDecaux, s'est engagée à couvrir les frais d'exploitation de Vélib' et à verser les recettes à la Ville de Paris. En échange, le géant de l'affichage bénéficie de vitrines gratuites partout en ville. Il leur est toutefois interdit d'utiliser les vélos pour faire de la publicité, contrairement aux BIXI. «Non, pour nous, c'est hors de question d'avoir de la publicité sur les vélos», précise M. Steffan.

En plus de Vélib', Paris vient aussi de lancer Autolib' pour mettre des voitures en partage libre-service. À terme, ses 3000 véhicules devraient permettre de remplacer 20 000 voitures, anticipe la mairie.