Les oiseaux sont 30 fois plus nombreux à périr dans les étangs de résidus miniers des sables bitumineux que le gouvernement albertain et l'industrie ne le prétendent, conclut une nouvelle étude publiée mardi dans le Wilson Journal of Ornithology.

Ces résultats ajoutent du poids aux arguments voulant que l'industrie ne peut elle-même réguler ses impacts environnementaux, a affirmé l'auteur de l'étude, l'écologiste Kevin Timoney. «Il doit y avoir un programme de surveillance scientifique», a-t-il soutenu.

En ce moment, les données concernant les morts de volatiles sont compilées par l'industrie, dont les employés signalent les découvertes de carcasses. Cette méthode a permis à l'industrie de recenser une moyenne annuelle de 65 oiseaux morts entre 2000 et 2007.

M. Timoney, qui dénonce le «caractère ad hoc» de cette démarche, a décidé d'adopter une approche différente dans le cas des étangs des entreprises de Suncor, de Syncrude et de Shell. Et d'après ses recherches, la moyenne annuelle d'oiseaux morts s'élèverait plutôt à 1973 depuis 14 ans.

Ce nombre pourrait en outre s'avérer conservateur, allègue M. Timoney. Son projet de recherche, financé par l'Université Dalhousie, ne prenait pas en compte les oiseaux qui ont été mazoutés lors d'un atterrissage nocturne, ou encore ceux qui ont été engloutis par les étangs.

Mais pour Kevin Timoney, c'est surtout la différence entre les estimations officielles et les siennes qui sont préoccupantes. «Les données de l'industrie concernant les morts d'oiseaux sont problématiques, car elles ne sont pas relevées de façon systématique et elles ne sont pas statistiquement concluantes», peut-on lire dans le rapport.

«Le gouvernement devrait prendre ses responsabilités et développer un système de contrôle et de recherche sur les atterrissages des oiseaux dans les étangs de résidus miniers, leur mazoutage et leur taux de mortalité.»

Le ministre albertain du Développement durable des ressources, Mel Knight, a indiqué qu'il était obligatoire pour les exploitants de sables bitumineux de se doter de systèmes de contrôle et de dissuasion. Il a néanmoins reconnu qu'il y avait place à amélioration.

«Je ne remettrai pas cette étude en question en sachant que nous pourrions exercer un meilleur contrôle de la situation, et c'est ce que nous ferons, a déclaré M. Knight. Nous devons apprécier les conseils qu'on nous donne et nous les utiliserons.»

Le biologiste en chef du gouvernement, Todd Powell, a quant à lui précisé que la moyenne officielle de 65 morts d'oiseaux mise de l'avant par l'industrie et le gouvernement ne se voulait pas forcément une synthèse précise, mais plutôt un indicateur des endroits où ces morts surviennent.

«Les nombres sur lesquels nous spéculons actuellement sont impossibles à déterminer de façon exacte parce que le système mis en place ne permet pas de le faire», a-t-il expliqué mardi. «Nous devons améliorer ce système.»

Le ministre Knight a cependant fait remarquer mardi aux journalistes que l'autocontrôle exercé par l'industrie ne disparaîtrait probablement pas du processus. «Je ne crois pas que ce système de signalement soit négatif, surtout que nous supervisons ce qu'ils font.»

L'étude indépendante réalisée par Kevin Timoney n'est pas la première à remettre en cause les chiffres officiels concernant les impacts environnementaux de l'exploitation des sables bitumineux.

En décembre dernier, les résultats d'une étude indiquaient que les émissions d'hydrocarbures étaient cinq fois plus élevées et deux fois plus répandues que les données officielles ne le laissaient entendre.